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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/670

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manière du maître, mais la tradition constante et les textes les plus formels ; rien n’y fait. Si M. Lautner a décidé qu’il serait de Bol, - la signature de Bol apparaît au moment voulu, et non pas une signature seule, mais deux, trois, autant qu’il en faut, si le cas est grave, et l’affaire est jugée. Voici les tableaux de la suite de la Passion, aujourd’hui à la pinacothèque de Munich. On sait qu’ils ont été commandés et acquis par le prince Frédéric-Henri ; on a toute la correspondance échangée entre Huygens et Rembrandt à ce propos ; les tableaux sont là avec leurs titres, rien n’y fait. Ces tableaux sont de Bol ; les originaux de Rembrandt ont dû être perdus, détruits dans un incendie. Il y a plus fort : tous ceux qui sont allés à Amsterdam et qui aiment les arts ont pu admirer, dans l’hospitalière demeure de M. Six, le portrait de son ancêtre, le bourgmestre Jan Six. Ce portrait n’est jamais sorti de la famille, il est encore accroché à la place où l’avait mis Rembrandt. M. Lautner confesse qu’il ne l’a point vu, et cependant il est certain que ce portrait est de Bol, qu’en cherchant bien on y trouverait sa signature. Il ignore apparemment que dans le journal que tenait Jan Six lui-même, le portrait est mentionné à sa date, en 1654. Mais voici qui est mieux encore. S’il est au monde un tableau qui ait ses titres en règle, et dont l’histoire soit connue dans ses moindres détails, c’est l’œuvre célèbre qu’on appelle la Ronde de nuit. Avec une belle et fière signature de Rembrandt, elle porte la date de 1642 ; on sait, par des enquêtes officielles, la cotisation qu’ont payée les personnages qui y figurent ; on sait les noms de ces divers personnages. Un album, resté dans la famille du capitaine F. Banning Cocq, nous en montre une copie faite à l’aquarelle avant 1655 ; on a des descriptions d’Amsterdam à différentes époques qui permettent de suivre ce tableau, ses mutilations, ses restaurations successives ; les renseignemens que, sur la foi de Bernard Keilh, et presque du vivant même de Rembrandt, Baldinucci nous donne à son égard, s’accordent de tout point avec cette masse de documens peu à peu découverts dans les archives. Tout cela est patent, établi par les publications des érudits hollandais, tenu pour certain par les critiques les plus compétens ; mais tout cela est non avenu pour M. Lautner, et la plupart de ces documens ont été falsifiés. La Ronde de nuit est de Bol, et M. Lautner a fini par dénicher, dans les passementeries de la jupe de la fillette qui porte un coq à la ceinture, un ornement qui, convenablement traité par sa méthode, lui a fourni le résultat attendu, le nom de Bol. Quant à ceux des documens qui n’ont pas été falsifiés, ils concernent, en effet, une peinture de Rembrandt, mais qui, restée au Doelen, pour lequel elle avait été faite, a été détruite. La preuve,