été pris au sérieux. C’était généralement d’Emden que les pasteurs calvinistes travaillaient au salut des âmes. Le décret d’Orange n’en avait pas moins son importance, car il mettait du moins la responsabilité du prince à l’abri. Orange pouvait-il témoigner d’une façon plus éclatante, devant les consistoires alarmés, de son orthodoxie et de ses intentions vraiment pieuses ?
Le prince ne tenait pas seulement à prouver qu’il n’oubliait point ses devoirs de chrétien ; il avait aussi à cœur de montrer que l’âpreté de la guerre civile ne lui faisait pas méconnaître ses obligations de gentilhomme. La quatrième femme de Philippe II, Anne d’Autriche, allait s’embarquer pour l’Espagne. Orange prescrivait à Lumbres, à Berghes, à Tseraerts, le premier amiral, les deux autres chefs d’escadre des gueux de mer, de laisser passer librement, sous peine de sa plus haute disgrâce, la fille de l’empereur Maximilien, la fiancée de ce roi d’Espagne dont il combattait les armées, mais dont il faisait profession de respecter l’autorité souveraine.
Ce commencement d’organisation était de nature à inspirer aux gueux des visées plus hautes que le pillage des navires de commerce et la dévastation des abbayes. Orange pressait en vain, depuis deux ans, les rois de Suède et de Danemark, ses coreligionnaires, de lui céder un port où il pût librement exercer la police sans laquelle toutes ses ordonnances ne seraient jamais que des mots. Accueilli par des refus formels, Orange ne cessait de recommander à ses émissaires d’étudier sur quel point du littoral une entreprise de la flotte aurait quelque chance de réussir. Les complices ne feraient pas défaut. Il y en avait à Dordrecht, il y en avait à Enkhuysen ; on en trouverait même à Flessingue et à la Brille. Dans toute la Hollande, dans toute la Zélande, on conspirait. L’exécution de quatre prêtres réformés à La Haye, le 10 mai 1570, avait achevé d’exaspérer les esprits. Malheureusement toutes ces conjurations n’aboutissaient, pour la plupart, qu’au supplice.
Trois gentilshommes de l’Ommeland, — Poppo Utkens, Pierre et Asinga Ripperda, — offraient à Sonoy de se jeter avec trois cents hommes dans Enkhuysen, dans Flessingue, dans Dordrecht, dans Rotterdam, dans la Brille, dans la ville, en un mot, qui leur serait désignée. Le manque d’argent ne permit pas à Sonoy d’accepter ces propositions. Plus tenace que ses deux compagnons, Ufkens, au mois de mai 1570, renouvela ses offres. Il s’attaquerait à Flessingue, Sonoy se chargerait d’Enkhuysen. Tout était prêt, Ufkens avait rassemblé à Emden des soldats et des vaisseaux. Le bailli d’Emden intervint. Il mit l’embargo sur la flottille.
D’Enkhuysen, arrivaient au même moment des rapports peu favorables : les habitans d’Enkhuysen déclaraient qu’ils ne recevraient