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glaciale, qui a passé sur les plaines de la Thrace. Le froid, que l’on aille le chercher sur les hauteurs ou qu’on l’attende sur place, vient redonner du ton aux organes que les chaleurs excessives de l’été commençaient à débiliter. L’air est en général très sec ; il y a des cantons, comme l’Attique, où la quantité de vapeur d’eau que contient l’atmosphère est extraordinairement faible. Cette sécheresse resserre les pores de la peau, durcit les chairs et précipite la circulation du sang, dont les flots pressés entretiennent l’excitation du système nerveux. Dans de telles conditions, point de lourdeur à craindre, point d’obésité physique ou morale. N’ayant point à chercher dans les boissons alcooliques et dans l’ingestion de beaucoup de viande les moyens de résister à des températures très basses ou à un excès d’humidité, le peuple soumis à ces influences sera très sobre, comme le sont plus ou moins tous les peuples du Midi ; d’ailleurs, peu de parties de son territoire sont aptes à nourrir de gras troupeaux. Il vivra donc surtout de pain et de laitage, de légumes et de fruits. Il n’a presque qu’à se baisser et à tendre la main pour ramasser le poisson qui fourmille dans tous les golfes et dans toutes les anses de son littoral, ainsi que les coquillages qui hérissent les rochers de ses côtes ; il en mangera beaucoup, et c’est un des alimens qui contiennent, sous un faible volume, le plus de principes nutritifs. Tempérant et frugal par l’effet d’une double nécessité, pour obéir aux indications du climat et parce que la terre dont il tire sa subsistance est pauvre, ce peuple n’offrira que de rares exemples de cette très haute stature qu’une alimentation beaucoup plus substantielle rend fort commune chez les nations septentrionales ; mais, grâce à la vie de plein air que supposent la plupart des travaux auxquels il se livrera, grâce à la variété des services qu’il devra demander à son corps dans cette lutte sans trêve dont nous avons décrit quelques épisodes, grâce à la sélection qui s’opérera sur l’enfance et qui écartera sans pitié tous les individus chétifs et mal conformés, il aura, dans sa taille moyenne, les membres vigoureux et bien proportionnés en même temps que l’esprit alerte et souple.


IV

Malgré la continuité de l’effort que la nature lui impose, le peuple grec sera gai, parce qu’il vivra sous une belle lumière. On dirait que Virgile a songé à cette Grèce qu’il a vue avant de mourir quand il dit de ces Champs-Elysées, où il place les âmes des bienheureux :

Purior hic campos æther et lumine vestit
Purpureo…