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Les conservateurs du commerce et les consuls français prononceraient dans les cas litigieux ; c’était l’égalité de traitement pour les commerçans des deux pays. Voilà près de trois siècles que ces conventions ont été signées entre l’Angleterre et la France par l’un des plus grands de nos rois et l’un des plus admirés et des plus patriotes de nos ministres.

D’autres traités plus anciens existaient entre la France et les Hanséates, entre la France et les Scandinaves. Sully encore eut le mérite de conclure un traité de commerce avec l’Espagne, et l’exposé des circonstances et des négociations n’est pas sans quelque actualité. En 1603, le gouvernement espagnol et celui des Pays-Bas frappaient d’un droit de 30 pour 100 à l’importation et à l’exportation toutes les marchandises franchissant la frontière. Ils se réservaient de faire de la suppression de ce droit une prime pour leurs alliés et pensaient déterminer ainsi l’Angleterre et les États maritimes de l’Italie à se joindre à eux. Henri IV décréta des droits analogues sur toutes les marchandises à destination ou en provenance des possessions espagnoles, puis prohiba même d’une façon absolue le commerce entre la France, l’Espagne et les Pays-Bas. Quoique les relations internationales et le besoin que les nations ont les unes des autres ne fussent alors qu’embryonnaires, cet état de guerre mercantile était contraire aux intérêts de chacun. L’Angleterre, ayant traité avec l’Espagne, avait obtenu la remise pour ses marchands du droit de 30 pour 100, et elle approvisionnait l’Espagne non-seulement de ses propres marchandises, mais des marchandises françaises, ce qui soulageait un peu nos producteurs, tout en réduisant notre marine à l’inaction : « Les Anglais, écrivait à Sully Villeroy de Neufville, ne vont marris de ce mauvais mesnage, et pour moi j’estime que sous main ils le nourriront plutost qu’ils ne nous ayderont à le composer, et qu’ils espèrent s’en prévaloir. De fait, on mande de toutes parts qu’ils enlèvent nos toilles et nos bleds à furie pour les transporter en Espagne et que cela ruynera toute la navigation française. » Sully parvint à y obvier en obtenant le 12 octobre 1604 de l’Espagne une convention qui révoquait le droit de 30 pour 100 et qui rétablissait sur l’ancien pied les relations avec les pays espagnols[1].

Voilà, certes, des ancêtres déjà respectables des traités de commerce contemporains ; on en trouverait sans difficultés d’infiniment plus éloignés et plus vénérables. Le traité de commerce a toujours été un des organes essentiels de l’humanité civilisée. On en concluait presque après chaque guerre. L’un des derniers du XVIIIe siècle, le traité de 1786 entre la France et l’Angleterre, est resté célèbre ; il

  1. Voir H. Pigeonneau, Histoire du commerce de la France, t. II, p. 318 à 325.