provoqua des discussions et des controverses analogues à celles que souleva le traité célèbre de 1860.
Le gouvernement parlementaire, la prépondérance dans les chambres des représentans de la grande propriété et de la grande industrie, rendirent plus malaisée dans la première partie de ce siècle la conclusion de ces accords internationaux. Il faut lire dans l’ouvrage d’un douanier, M. Amé, toute la lamentable histoire de la lutte du gouvernement et des chambres sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe au sujet du régime commercial que le premier voulait sans cesse rendre plus libéral et que les dernières s’obstinaient à maintenir restrictif. Il y a dans cette narration des débats parlementaires sur ce point pendant quarante années un épisode navrant, celui de la fixation de nos rapports commerciaux avec la Belgique. Au lendemain de la révolution belge, ce ne furent pas seulement les puissances qui s’opposèrent à l’union de la Belgique à la France, ce furent encore certains manufacturiers français. Il est une manifestation du temps qu’il convient de reproduire et que nous empruntons au livre de M. Amé : « Félicitons le gouvernement, s’écriaient ces étranges patriotes en 1831, d’avoir compris les vrais besoins du pays, de n’avoir pas voulu aggraver ses souffrances, d’avoir senti que réunir la France et la Belgique, c’était effacer d’un trait de plume cette ligne de douanes, encouragement, garantie et protection de notre industrie : c’était frapper de mort nos forges de la Flandre, des Ardennes, des Vosges, de la Moselle et de la Champagne ; c’était ruiner nos manufactures de draps ; c’était ruiner nos manufactures de toiles et de coton ; c’était porter une funeste atteinte à notre agriculture[1]. » On peut juger par ces lignes de l’étroitesse d’esprit et de cœur de certains grands propriétaires ou grands industriels du temps. Ajoutons qu’ils se trompaient, même au point de vue de leurs intérêts, sinon tout à fait immédiats, du moins prochains. Il n’est pas douteux que l’union de la France avec la Belgique, si elle eût nui, pendant un petit nombre d’années, à quelques filatures ou à quelques ateliers métallurgiques de France, aurait, au bout de bien peu de temps, contribué à singulièrement stimuler l’industrie dans toute la région du Nord-Est et même du Centre. L’esprit d’entreprise des Belges, leur expérience et leurs capacités techniques, leur surabondante population, se seraient portés sur tous nos départemens de la zone voisine et y auraient provoqué la mise en œuvre de toutes nos richesses. Ni Lille, ni Roubaix, ni Reims, ni le Creusot n’en eussent été longtemps entravés dans leur essor,
- ↑ Étude sur les tarifs de douane et sur les traités de commerce, par M. Amé, directeur général des douanes, t. Ier, p. 221.