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et il est probable que le riche bassin houiller du Pas-de-Calais eût été exploité quinze ou vingt ans plus tôt.

La question de nos rapports commerciaux avec la Belgique ne devait pas tarder à se présenter de nouveau devant le parlement français ; elle devait être traitée encore avec la même absence de prévoyance industrielle et de patriotisme. Ce fut lors de la constitution du Zollverein ou union douanière allemande. On sait que l’acte fédéral de 1815 avait posé les bases de cette association. En 1828, la Bavière, le Wurtemberg et les Pays de Hohenzollern formèrent entre eux une complète union de douanes. La Prusse parvint vers la même époque à y faire entrer la Hesse. D’autres groupemens plus restreints se constituaient en Allemagne. Le Zollverein ne cessait pas de chercher des recrues. En 1845, il embrassait 25 millions d’âmes : la Prusse, la Bavière, la Saxe royale, le Wurtemberg, Bade, les deux Hesses, la Thuringe, Nassau et Francfort-sur-le-Mein. Les États à direction réactionnaire et féodale montraient seuls de la résistance à y entrer : le Hanovre n’en fit partie qu’à la fin de 1851. Bientôt, il ne resta plus à l’écart que l’Autriche, dont la Prusse prévoyante et politique avait toujours combattu l’adhésion, les villes hanséatiques, éprises d’une liberté quasi complète et le féodal Mecklembourg. Le traité du 19 février 1853 qui reconstitua le Zollverein consacrait, toutefois, une convention de commerce avec l’Autriche, les États associés se liaient entre eux jusqu’au 1er février 1866, et il était stipulé, ce qui n’advint ou n’aboutit pas, que leurs délégués se réuniraient, en 1860, à ceux du cabinet de Vienne pour tâcher de s’entendre sur l’incorporation de l’Autriche, ou, du moins, pour élargir les bases de l’arrangement commercial de 1853[1].

Avec cette lointaine prévoyance qui a depuis plus de deux siècles et presque sans intermittence caractérisé tous les actes de son gouvernement, la Prusse, médiocrement empressée à pousser l’Autriche dans le Zollverein, se proposait, malgré l’opposition de quelques États allemands, d’y faire entrer la Belgique. Celle-ci hésitait entre une union douanière avec l’Allemagne et une union douanière avec la France. Sous le ministère du comte Mole, des ouvertures furent faites à ce sujet entre les deux gouvernemens ; ce ministre éphémère était le plus réellement progressif et le plus politique qu’ait eu le règne de Louis-Philippe. La célèbre coalition vint le renverser. Eût-il réussi dans cette grande œuvre ? Les préjugés du temps et la composition des chambres peuvent en faire douter. On n’aboutit qu’au traité de 1842, par lequel la France faisait à la

  1. Amé, Étude sur les tarifs de douane, etc., t. Ier, p. 222 et 223. Voir aussi, pour un examen détaillé de la question, Henri Richelot, l’Association douanière allemande.