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On ne laissa pas reposer l’idée ; on se hâta de lui donner un commencement d’exécution. Un homme important, le sénateur Sherman, présentait, en février 1886, au sénat, une motion priant le gouvernement fédéral de convier les autres gouvernemens américains à une conférence qui se tiendrait à Washington. Le mois suivant, le comité des affaires étrangères de la chambre des représentans émettait un avis favorable. Enfin, le 17 juin 1886, le sénat fixait au 1er octobre 1887 la date du congrès de Washington auquel tous les gouvernemens de l’Amérique seraient conviés. Il y eut alors à ce sujet quelque émoi dans certains groupes de commerçans européens. On voyait que l’Amérique du Nord projetait de s’emparer économiquement de l’Amérique du Sud. La chambre syndicale des commerçans commissionnaires de Paris s’alarma et lança dans le public français quelques observations sur un projet qui, à juste titre, lui paraissait menaçant. Préoccupée d’autres questions plus futiles pour l’avenir de l’Europe, l’opinion publique n’y prêta guère d’attention.

Des circonstances que nous ignorons firent ajourner du 1er octobre 1887 au 1er octobre 1889 l’ouverture du congrès de Washington. La présidence des États-Unis était occupée de nouveau par le parti républicain qui l’avait perdue quatre années auparavant. Le ministère des affaires étrangères de la grande fédération était revenu aux mains de M. Blaine, homme actif, remuant, aux vastes projets, avide de faire impression sur l’opinion publique américaine. Huit commissaires furent nommés représentant les divers groupes d’États de la fédération. Le congrès de Washington auquel avaient été convoqués les représentans des dix-neuf grandes ou petites puissances indigènes des deux Amériques, devait délibérer sur les sept points suivans : 1° adoption de mesures tendant à assurer la prospérité des nations américaines et une résistance compacte aux empiétemens des pouvoirs monarchiques de l’Europe ; 2° formation d’une ligue douanière ; 3° établissement de services de steamers fréquens entre les ports des nations confédérées ; 4° unification des règlemens de douane ; 5° adoption d’un système de poids et mesures et de lois internationales pour la protection des personnes, des propriétés et des marques de fabrique ; 6° création d’une monnaie commune d’argent ayant valeur libératoire dans tous les pays contractans ; 7° adoption d’un système d’arbitrage pour régler tous les conflits entre les États européens.

La politique se mêlait ainsi au commerce et à la finance dans ce programme beaucoup trop touffu. Il était bien difficile à un congrès de ce genre d’aboutir à un résultat précis ; on devait nécessairement s’en tenir à des déclarations générales. C’était par des