ouvrières, faire baisser, dans une certaine mesure du moins, le prix des objets qui leur sont indispensables. Le jeune et actif empereur d’Allemagne, qu’on représentait d’abord comme un soldat avide de conquêtes, qui s’est montré ensuite une sorte de rêveur social, brûlant de rétablir la concorde entre les classes, a trouvé le moyen de satisfaire à la fois son ambition politique et son ambition réformatrice. Il a pris sa revanche, ou pense l’avoir prise, de l’échec de la conférence de Berlin. Le succès était plus facile : encore fallait-il le vouloir.
Les critiques auront, certes, beau jeu à examiner dans le détail les nouveaux traités de commerce allemands. Il leur sera aisé de prouver que les tarifs entre les puissances contractantes restent très élevés, que parfois ils sont à la hauteur de ceux que nous venons de voter ; en général, cependant, ils sont plus bas, souvent dans une large proportion. Tels quels, ils constituent une protection importante et ils se trouvent fort éloignés encore du libre échange. Aussi ne saurait-on prononcer, sans une manifeste exagération, les mots d’Union douanière ou de Zollverein central européen.
Le droit sur le blé, au lieu de 5 marks ou 6 Ir. 25, est abaissé à 3 marks 50, soit exactement 4 fr. 30 ; il est, en principe, de 5 francs en France ; le droit sur le maïs s’élève à 2 francs, les deux tiers du droit français. Les droits sur le vin, destinés à satisfaire l’Italie, restent encore fort au-dessus des nouveaux tarifs votés chez nous. La généralité des vins paiera 20 marks ou 24 fr. 60 ; les vins dits de coupage, catégorie nouvelle que l’on crée et que l’on astreint à des formalités nombreuses, acquitteront 10 marks ou 12 fr. 30 ; d’après le nouveau tarif français, les vins de 10° 9, ce qui correspond aux vins de consommation habituelle, paieraient 7 francs, et ceux de 13° 9 seraient taxés à 11 fr. 68. La plupart des autres articles, il est vrai, sont assujettis à des taxes bien moindres dans le tarif allemand que dans le nouveau tarif français. Il ne s’y rencontre pas surtout cette prétention insupportable et agaçante de tout produire, et par conséquent de tout taxer, de créer des catégories innombrables et arbitraires et de rendre ainsi le commerce international presque impossible. « Là où il y a du commerce, dit Montesquieu, il y a des douanes. L’objet du commerce est l’exportation et l’importation des marchandises en faveur de l’État ; et l’objet des douanes est un certain droit sur cette même importation et exportation, aussi en faveur de l’État. Il faut donc que l’État soit neutre entre sa douane et son commerce, et qu’il fasse en sorte que ces deux choses ne se croisent point. » En France, ce n’est pas seulement par des taxes, c’est par des minuties de toutes sortes que l’on écarte le commerce.