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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/773

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resterait un moyen et une chance quelconque de faire autrement.

« Je ne suis qu’un bavard en fait de politique, disait-il, et si la partie militaire m’oblige quelquefois d’en parler, je ne vous donne pas mes opinions pour bien bonnes ; ce que je crois savoir et vous assurer est que les ennemis, en quelque nombre qu’ils viennent, ne peuvent plus pénétrer en ce pays-ci, et qu’il me fâche de le rendre, car c’est en vérité un bon morceau, et nous nous en repentirons, dès que nous aurons oublié notre mal présent. Je n’entends rien à la finance, et ne connais pas nos moyens : ce que je sais est que l’argent en Angleterre n’était à la fin de la grande guerre qu’à 4 pour 100, et qu’il était ces jours passées à 14 et à 15 pour 100, de quoi il n’y a point d’exemple ; et comme le crédit est la seule chose qui soutient les Anglais et les Hollandais, je conclus qu’ils sont à bas, et qu’ils n’en peuvent plus. Ce n’est pas comme chez nous, nous avons une force intrinsèque, et quoique l’argent nous manque, nous allons encore longtemps, et je crois que ce n’est pas faire un mauvais marché, que de se mettre mal à son aise pour acquérir une province comme celle-ci, qui vous donne des ports magnifiques, des millions d’hommes, et une barrière impénétrable et de petite garde : telles sont mes pensées. Au demeurant, je ne connais rien à votre diable de politique ; je vois, je sais que le roi de Prusse a pris la Silésie, et qu’il l’a gardée, et je voudrais que nous puissions faire de même ; au bout du compte, il n’est pas si fort que nous, il est beaucoup plus mal posté, on peut le prendre par les pieds et par la tête, et il a de furieux voisins qui ne l’aiment assurément pas plus que nous : nous n’avons lien de tout cela, et il me paraît difficile, ou plutôt impossible, que l’on nous fasse rendre ce que nous tenons.

« Voilà, monsieur, ce que je pense. Vous ne laissez pas que de me tranquilliser beaucoup, et si les fanfreluches des négociations commencent une fois à se mêler, nous en avons pour dix ans sans tirer un coup de fusil ; c’est votre affaire, la mienne est de prendre et garder, et je vous réponds de m’en acquitter en conscience ! Je vous promets aussi de combattre jusqu’au trépas pour des vérités que je ne comprends pas ; c’est à vous de prêcher et de bien établir les principes, les détailler, les prouver, que les hérésies soient confondues, et qu’on écrive de part et d’autre plus de volumes là-dessus qu’il n’y en avait dans la bibliothèque d’Alexandrie, et que n’en ont écrit tous les pères de l’église ! Je vous promets d’attendre tranquillement sur le Demer, jusqu’à ce que la vérité soit triomphante. Les ennemis ne s’enrichiront pas pendant ce temps-là, s’ils restent armés, et cette position leur coûtera