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Grand-Maître et les attributions de sa fonction : « Le chef de l’Université prendra le titre de Grand-Maître ; il aura, outre les attributions actuelles du président du Conseil royal, celles qui sont spécifiées dans les articles 51, 56 et 57 du décret du 17 mars 1808[1]. » C’était la fin du provisoire, la remise de l’Université en possession de son organisme complet, et sa reconnaissance comme établissement royal de l’instruction publique. Deux ans plus tard, on va plus loin, et de ce Grand-Maître, sorte de vice-roi de l’instruction publique, relevant du chef de l’État, mais dégagé de toute responsabilité gouvernementale, on fait un Ministre de l’instruction publique[2], et par là, de cette Université naguère suspecte on fait, comme de l’armée et de la magistrature, un compartiment organique des services publics, une émanation même du pouvoir royal.

En eux-mêmes, tels sont les actes. Venons maintenant aux intentions. Nous sommes à ce moment aigu de la Restauration, où, suivant le mot de Royer-Collard, le gouvernement s’organise en sens inverse de la société française. Sur une nation fatiguée des excès de la Révolution et des guerres de l’Empire, mais toujours éprise d’égalité, un pays légal, divisé en lui-même, que la loi élargit ou rétrécit à son gré ; superposée à ce pays légal, une monarchie de droit divin, qui a octroyé la Charte, mais qui s’en repent et qui cherche, après un essai de libéralisme, à reprendre une à une les libertés concédées ; autour de cette monarchie, une noblesse dévote et un clergé militant qui veulent effacer toute trace de la Révolution, aucuns mêmes rêvant une théocratie qui ferait du royaume de France le royaume de Dieu et de ses prêtres, et c’est à ce moment que l’Université, fille de l’Empire, petite-fille de la Révolution, est reconnue, consacrée et consolidée. On se l’expliquerait mal, si, pour changer la société, le parti qui s’était emparé du pouvoir n’avait pas cru que l’Université pouvait lui être un instrument.

Destinée des institutions et sort étrange de l’institution universitaire ! Ce que les libéraux lui avaient reproché, en 1815, d’avoir été, dans la pensée de son fondateur, un instrument de règne, lui faisait trouver grâce, quelques années plus tard, devant leurs

  1. Art. 51 : « Le grand-maître aura la nomination aux places administratives et aux chaires des collèges et des lycées ; il nommera aussi les officiers des Académies et ceux de l’Université, et il fera toutes les promotions dans le corps enseignant. » — Art. 50 : « Il pourra faire passer d’une Académie dans une autre les régens et les principaux des collèges entretenus par les communes, ainsi que les fonctionnaires et professeurs des lycées, en prenant l’avis de trois membres du conseil. » — Art. 57 : « Il aura le droit d’infliger les arrêts, la réprimande, la censure, la mutation et la suspension des fonctions aux membres de l’Université qui auront manqué assez gravement à leurs devoirs pour encourir ces peines. »
  2. Ordonnance du 26 août 1834.