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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/865

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ce que toutes les polices de l’univers auraient fait à leur place, c’est-à-dire qu’ils parcoururent, munis des pièces à conviction, les ruelles sombres et les recoins mal lamés où receleurs et brocanteurs abritent leur industrie. Dans ces échoppes de prêteurs sur gages qui foisonnent aux quartiers misérables des villes anglaises, on promena le sac et les deux couvertures. Une femme les reconnut et déclara les avoir vendus le 16 mai à un individu dont elle put fournir le signalement de façon précise. L’acheteur en avait débattu le prix, s’était éloigné sans rien conclure, l’attitude irrésolue ; puis, le même jour, il reparaissait à la boutique, l’air décidé, brusquant l’emplette. C’était une indication de haute valeur. Presque à la même heure, la police en recueillait une seconde, plus importante. Avec un instinct dont les événemens devaient confirmer la sûreté, elle s’en tenait à l’idée que le crime avait été commis à quelques pas du domicile de la victime et elle fouillait, de haut en bas, les masures abandonnées de Bridgewater street. Bientôt, elle pénétrait dans un immeuble dont une association ouvrière, l’Union des marins et des chauffeurs, avait utilisé le rez-de-chaussée pour y installer un délégué. Les étages supérieurs étant vides, on s’y transporte, on tombe presque tout de suite sur des morceaux de tort papier brun entièrement semblables à ceux qu’on possédait déjà. On court, on en rapproche les fragmens séparés et ils s’adaptent les uns aux autres avec autant d’exactitude que le talon s’unit à la souche. De nouvelles surprises attendaient les perquisiteurs. Tout en haut, dans une chambre située presque sous les toits, le parquet est humide, évidemment lavé de frais, et les lames rougeâtres montrent, çà et là, des taches de sang imparfaitement essuyées.

Le doute n’était pas possible. C’est dans cette maison sinistre, entre ces murs déserts et sur ce plancher qui parlait encore, que le jeune garçon avait été égorgé. Quel était donc l’habitant du logis assez imprudent et maladroit pour avoir ainsi laissé derrière lui tant de traces accusatrices ? Un individu d’environ soixante ans, quelque peu ivrogne, John Conway, secrétaire d’une société maritime et qu’on arrêta le soir même, non dans la pièce qui lui servait de bureau, mais au domicile qu’il occupait, à quelques portes de celui des époux Martin. Il dormait, on le réveille : « Debout ! lui dit l’agent, suivez-moi, j’ai besoin de vous. » Sans mot dire, l’homme se lève, s’habille, monte en voiture. A minuit, il franchit la cour des bâtimens de la police, et le voilà dans une salle où sont alignées quinze ou vingt personnes, prévenus et gens de la rue au milieu desquels on le place au hasard. Tout cela s’est accompli sans bruit, presque sans paroles. Sur un signe, une