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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/609

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Cette branche de la science archéologique, nous l’avons vue naître il n’y a guère plus de quarante ans dans le Nord de l’Europe. Copenhague et Leyde ont eu les premiers musées où la distinction des divers âges de la pierre, du bronze et du fer s’est montrée d’elle-même, à la suite d’une étude attentive des provenances et par le seul effet d’une classification sévère. L’étonnement n’a pas été médiocre lorsqu’on s’est aperçu que le sol des pays classiques révélait les mêmes indices, et qu’en Italie ou en Grèce, aussi bien que dans la Scandinavie, nous pouvions recueillir les débris subsistans de ces très anciens états de civilisation. Non-seulement les fouilles pratiquées depuis vingt ans dans l’Italie centrale et septentrionale, particulièrement celles de la région de Bologne, ont révélé ces âges primitifs, mais voici de plus que toute une école d’archéologues italiens, MM. Chierici et Pigorini en tête, prétend retrouver jusque dans ces périodes reculées, jusque dans l’âge de bronze, les premiers élémens de ces mêmes traditions que les historiens nous montrent vivantes aux plus anciens temps de Rome.

Il y a dans la Vie de Romulus de Plutarque une page célèbre, celle qui raconte avec quels rites religieux s’est accomplie la fondation de la Ville. Le roi pontife a saisi le manche de la charrue au soc de bronze ; les mottes de terre soulevées et rejetées à droite ont formé le tertre ou agger dominant le fossé qui marquerait l’enceinte. Après cela, l’augure, de son bâton recourbé, a tracé dans les airs les quatre lignes coupées à angle droit qui, abaissées du ciel sur la terre, y devaient définir le sol sacré, avec les deux lignes principales d’orientation, le cardo et le decumanus. Ainsi s’est formée, selon le récit de Plutarque, la ville du Palatin, la Roma quadrilla, la Rome carrée. — Or ces traits primordiaux, qui ont présidé aux premiers commencemens de la ville éternelle et probablement à ceux des petits États de l’Italie centrale qui l’avaient précédée, ces traits dont plusieurs ont subsisté à travers les temps historiques, par exemple dans le mode d’établissement des colonies romaines et du camp romain, les antiquaires italiens croient pouvoir le reconnaître maintenant jusque dans les terramares de l’âge de bronze. Les terramares, fréquentes dans l’Italie du nord-est, sont des lieux d’habitations humaines primitives, construites en terre ferme sur un plancher factice que soutiennent des pilotis, à l’exemple et sans doute à la suite des habitations lacustres. Il en reste assez de vestiges pour autoriser les observations suivantes. La forme de ces terramares est presque toujours quadrilatérale ; il y a un fossé extérieur, à proximité duquel est une prise d’eau possible, avec un déversoir à l’extrémité opposée. Au-dedans