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école indo-chinoise. Ouvrons-la, non à tout venant, mais aux seuls vainqueurs d’un concours sérieux et sincère et qui atteste déjà de l’instruction et de la valeur morale. Organisons pendant deux années des cours pratiques avec de bons professeurs ; garantissons aux lauréats des débouchés honorables et une carrière sûre ; enfin, complétons leur instruction sur place par un stage payé, et, avant dix ans, nous aurons, tant que nous en voudrons, des fonctionnaires comparables à ce que l’Inde offre de plus distingué.

4° Après la justice et le gouvernement, la sécurité ; sécurité intérieure, sécurité extérieure. Du côté de la Chine, quelques forts bien situés, quelques bataillons bien postés ; surtout de bons offices et de bonnes relations. Regardons moins Pékin et davantage les provinces nos voisines. Nous ne connaissons guère, nous méconnaissons les mandarins chinois. Des égards, — que beaucoup méritent, — nous les concilieraient. Des présens, convenables et proportionnés, aux vice-rois des deux Kouang et du Yunnan, aux gouverneurs et aux taotai seraient d’un effet décisif. Ils surveilleraient leurs frontières, et, si je puis dire, filtreraient l’émigration. Si, après cela, nous remaniions la capitation, qui, telle qu’elle est, les humilie, nous aurions, non pas tout de suite, mais dans quatre ou cinq ans, les meilleurs Chinois du monde. En extrême Orient, on a les Chinois qu’on mérite.

Du côté de l’Annam et du Tonkin, utilisation raisonnée des ressources politiques et militaires du pays. Restaurer le protectorat. Environner le roi d’honneurs et lui rendre un prestige qu’il dépensera à notre service ; agir sur le peuple au moyen des mandarins, non pas des princes ou des chefs des grandes familles, qui ne sauraient, sans arrière-pensée, se rallier à une administration honnête et économe, mais des petits mandarins, humbles lettrés, dont nous pouvons d’ailleurs contrôler la conduite par nos agens et balancer l’influence par celle des notables.

Voilà pour les choses de la politique. Les choses de la guerre comportent des solutions également nettes. Instituer des milices indigènes, police civile et police militaire, et ne pas craindre de mettre à leur tête, sauf dans les grades supérieurs, des chefs indigènes. Outre les milices, avoir deux armées, très peu nombreuses assurément, mais deux armées distinctes : une de troupes françaises, une autre de troupes indigènes, commandées par des Français. Les troupes indigènes, en faire exactement ce qu’est l’armée indienne aux Indes, c’est-à-dire une armée destinée uniquement au service du Tonkin, avec des cadres dont toute la carrière se fera au Tonkin. Les troupes françaises, moins nombreuses encore, les placer judicieusement, sous des climats salubres, sur des points stratégiques. Les y laisser, non pas dans l’inaction,