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REVUE MUSICALE

LA MUSIQUE SACREE PENDANT LA SEMAINE SAINTE.

Il y a quinze jours, un de nos collaborateurs nous confiait ici même ses « pensées dans Rome » et vous vous souvenez avec quelle magnificence. De la Ville, qu’on croit morte et qui n’est qu’endormie, il avait, disait-il, écouté la paix qui n’est pas le silence : le croassement des corneilles dans les thermes de Caracalla, ou, sur les premières pentes des monts Albains, l’adieu de la cloche au jour qui se meurt. Ainsi Rome a des voix qui parlent encore ; mais d’autres se sont tues et si l’éloquent voyageur, un jour de la semaine sainte, est entré dans la chapelle Sixtine, il aura trouvé muette cette voûte, qui, durant des siècles, a chanté. Ils ne chantent plus, les tragiques vieillards, ni les adolescens superbes, ni les sibylles inspirées. Ézéchiel, Isaïe, Jonas, ils sont là, tous ceux de la colère et tous ceux de la douleur, assis dans leurs chaires de marbre. Mais en vain revient chaque année l’anniversaire des jours qu’ils ont prédits, rien ne rompt leur silence farouche. Les heures de l’agonie et de la mort divine ont beau sonner, des lèvres même de Jérémie, le prophète des Improperia, on n’entend plus jaillir ni les imprécations, ni les sanglots.

Mortes dans leur patrie, les œuvres musicales du vieux génie romain viennent de revivre parmi nous grâce à l’intelligence et à l’enthousiasme d’un jeune maître de chapelle. Sur l’invitation de MM. Bordes et Vincent d’Indy, sur la foi déjà éprouvée l’an dernier de leurs promesses, on s’est rendu à Saint-Gervais quatre jours de suite et deux fois par jour. Le succès de cette retraite musicale a été très grand, et