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déclarer prêt à sacrifier les intérêts particuliers de la colonie qu’il représente en faveur de l’intérêt général, confiant qu’il est dans l’espoir de voir triompher plus tard au parlement fédéral le principe du libre échange qui a toujours gouverné sa politique. Est-il exact de croire et d’espérer que les représentans des autres colonies seront prêts à traiter la question d’aussi haut et dans un sens aussi libéral ? Inutile de pousser plus loin les conjectures au sujet de l’accomplissement à courte ou à longue échéance de la fédération australienne ; contentons-nous de constater le fait qu’à l’influence de l’ancien premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud sont dus le rapprochement et l’unanimité des colonies en ce qui concerne la nécessité et l’opportunité présente d’étudier sérieusement la question d’une union que l’état des esprits, entretenu par une grande différence d’opinion sur la valeur politique du conseil fédéral de Hobart, tendait à renvoyer aux calendes grecques.


II

Un peu plus de cent ans séparent deux dates mémorables dans l’histoire du monde moderne. L’année 1788 marque l’époque de la première occupation d’un continent inconnu, assez vaste pour être considéré comme une cinquième partie de la terre, pour servir de lieu d’exil aux criminels d’un royaume européen. C’est sur une terre à l’aspect aride et sauvage, habitée par une race aux traits repoussans, que viennent débarquer 700 ou 800 malheureux pris au hasard parmi les habitans des prisons de la Grande-Bretagne sous la surveillance d’environ 200 officiers et soldats. Tous sont gouvernés par une autorité despotique absolue et soumis à la plus rigide des disciplines. Pour communiquer avec la mère patrie, les lourds transports à voiles se traînent lentement sur l’immensité des océans et mettent douze mois à contourner les trois quarts de la surface du globe. Une prison au seuil d’une terre inconnue, au bord d’un océan désert !

Un siècle passe, — un jour dans l’existence de l’humanité : — et voilà qu’en 1891 un peuple de 4 millions d’hommes d’origine européenne, établis et pour la plupart nés dans les sept provinces qui composent aujourd’hui l’Australasie, gouverné par une constitution fondée sur les principes du libéralisme démocratique le plus éclairé, s’en vient demander pour la nationalité australienne à côté de la Grande-Bretagne, sa mère, place au conseil des nations. Ses ports abritent les vaisseaux de tous les pavillons, qui transportent en quelques semaines sur tous les points de la terre, l’or, l’argent, le