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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai.

Une fortune ironique a réuni le même jour, aux mêmes heures, une menace de trouble, un défi à l’ordre public, surtout à Paris, et la manifestation la plus régulière, la plus pacifique dans l’universalité du pays. Telle a été cette étrange journée du 1er mai qu’on redoutait et qui est déjà passée, qui est presque oubliée : journée de vague et irritante inquiétude, préparée par des artisans d’agitations qui prétendent fêter le travail, en organisant la guerre au travail, en semant partout les paniques ; journée aussi des élections municipales jusque dans le plus humble hameau de France. C’est la journée des contrastes, des énervantes émotions d’opinion et heureusement des fausses alertes.

Étrange manière de relever le travail, de préparer d’utiles et bienfaisantes réformes pour ceux qui vivent de leur labeur, on en conviendra, que d’irriter les passions et les convoitises, d’agiter des spectres devant les multitudes, en leur promettant l’assaut de la société tout entière ! 1 C’est ce qu’on a essayé de faire une fois de plus à ce nouveau 1er mai, devenu par l’autorité des congrès internationaux la journée des revendications socialistes ; c’est ce qu’on a bien voulu appeler, dans les discours et les proclamations, la fête du travail. Oh ! pour ceci, par exemple, si on a cru avoir une fête, on s’est trompé. Jamais rien n’a moins ressemblé à une fête que ce jour du 1er mai. Jamais Paris, d’ordinaire si populeux et si animé, si prompt à rechercher tous les spectacles, n’a paru plus morne. On aurait dit une ville abandonnée où de rares passans se hasardent d’un pas hâtif à travers les rues désertes. Il n’y a eu ni promenades, ni manifestation ? extérieures, ni même cette masse de curieux toujours avides de bruit et de