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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/766

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l’enseignement, l’engin universitaire, modérant sa pression ou émoussant ses pointes, travaille sous des mains tolérantes ou libérales, avec tous les ménagemens que comporte sa structure, de façon à faire beaucoup de bien sans faire beaucoup de mal, à contenter à demi la majorité qui est tout ensemble demi-croyante et demi-libre penseuse, à ne choquer gravement personne, sauf le clergé catholique et cette minorité intransigeante qui, par principe doctrinal ou par zèle religieux, assignent à l’éducation, comme but dirigeant et comme objet suprême, la culture, l’enracinement, la floraison définitive de la foi. Mais, dans la loi et même dans la pratique, l’Université de 1808 subsiste ; elle a conservé ses droits, elle perçoit ses taxes, elle exerce sa juridiction, elle jouit de son monopole.

Aux premiers jours de la Restauration, en 1814, le gouvernement ne la maintenait que par provision ; il promettait tout, réforme radicale, liberté plénière ; il annonçait que par ses soins, « les formes et la direction de l’éducation des enfans seraient rendues à l’autorité des pères et mères, tuteurs et familles[1]. » Simple prospectus et réclame du pédagogue nouveau qui s’installe, et, par une belle phrase, tâche de se concilier les parens. Après une ébauche partielle et une ordonnance vite rapportée[2], les gouvernans découvrent que l’Université de Napoléon est un très bon instrument de règne, bien meilleur que celui dont ils disposaient avant 1789, plus facile à manier, plus efficace. Il en est ainsi de tous les instrumens sociaux, esquissés et demi-fabriques par la Révolution, achevés et mis en jeu par le Consulat et l’Empire ; chacun d’eux a été construit « par la raison, » « selon les principes ; » partant, son mécanisme est simple ; toutes ses pièces s’engrènent avec précision ; elles se transmettent exactement l’impulsion reçue ; il opère ainsi d’un seul coup, uniformément, à l’instant, avec certitude, sur toutes les parties du territoire ; sa poignée est centrale et, dans tous les services, les nouveaux gouvernans mettent la main sur cette poignée. A propos de l’administration locale, le duc d’Angoulême disait, en 1815[3] : « Nous préférons les départemens aux provinces. » Pareillement, aux anciennes universités provinciales, à la vieille institution scolaire éparse, diverse, et plutôt surveillée que gouvernée, à tout établissement

  1. Liard, l’Enseignement supérieur pendant la Restauration. (Revue des Deux Mondes, numéro du 15 février 1892.) Arrêté du 8 avril 1814.
  2. Ordonnance du 17 avril 1815 (pour supprimer la rétribution universitaire et pour segmenter l’Université unique en dix-sept universités régionales). Cette ordonnance, qui date des derniers jours de la première Restauration, est rapportée dès les premiers jours de la seconde Restauration (15 août 1815).
  3. Le Régime moderne, I, 391.