semblable à celle que nous en avons aujourd’hui, qu’on ne faisait sous Philippe le Bel ou sous Louis XIV. Sous les Mérovingiens, une foule d’abbayes et de particuliers, — dans un travail récent, M. A. de Barthélémy en a relevé plus de mille, — jouissent du privilège d’émettre de la monnaie à leur nom (celui des princes n’y figurait pas), et au titre légal ; ils la vendent comme toute autre marchandise. L’autorité de l’État sur ces monetarii paraît vaine depuis le VIe siècle.
Rien ne prouve que, de ces pièces en quelque sorte privées, il ne subsistât quelques types encore au XIIIe siècle. La longévité des monnaies, jamais décriées ni refondues et qui ne mouraient que de vieillesse, était inouïe en ces époques reculées. En 1420, à Limoges, les pièces frappées en 817, c’est-à-dire six siècles auparavant, à l’effigie de Louis le Débonnaire, sont très communes. On en voit d’autres à la même époque au nom de Charlemagne, de Pépin d’Aquitaine et d’Eudes, datant par conséquent de 752 à 890. Quoiqu’on sache que la fabrication d’espèces à l’effigie de ces rois a continué longtemps après leur mort, le fait ne laisse pas d’être curieux.
Aux XIIIe et XIVe siècles, le droit d’émettre de la monnaie n’emportait pas pour un seigneur, ni même pour un souverain, le droit d’en imposer l’usage, surtout l’usage unique et exclusif, dans ses propres États. Grenoble refuse nettement, en 1366, de se soumettre à une ordonnance du Dauphin, qui proscrivait toute autre monnaie que la monnaie delphinale, ordonnance que la ville déclare « attentatoire à ses libertés. » Ce libre cours des espèces, qui lut le droit commun du moyen âge, permit à la monnaie royale de se répandre sur les terres des grands vassaux.
Il ne faudrait pas croire pourtant que la livre tournois eût universellement pénétré, même dans le langage ou dans les écritures des caissiers, sur le territoire de la France moderne. On relève, de Dunkerque à Marseille et du Rhin aux Pyrénées, une vingtaine de livres de compte, toutes de valeurs différentes, toutes cependant divisées en 20 sous et en 240 deniers. Le roi lui-même ne se sert pas de la livre tournois ; jusqu’au milieu du XVe siècle, les dépenses et les recettes de sa maison sont établies en livres parisis, plus fortes d’un quart que le tournois. Plus faible au contraire est la livre de Provins, que la Champagne abandonne au XIVe siècle. La livre angevine égale le tournois, celle du Mans au contraire vaut le double ; celle de Bretagne, en usage dans cette province jusqu’à sa réunion à la France au XVIe siècle, égale la monnaie parisis.
Il est probable que les Anglais ont tenté, durant leur longue possession de la Normandie, d’y introduire la livre sterling, ou d’estrelin comme on disait ; mais les pièces françaises n’ont pas