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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/960

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veut, mais toujours animée d’un certain sens intime de légalité, tout se passe autrement, dans une liberté qui sait se contenir elle-même. A l’heure qu’il est justement, dans cette vaste Union américaine, tous les partis, toutes les passions, tous les intérêts sont déjà en mouvement pour la prochaine élection présidentielle ; quoiqu’il y ait encore quelques mois d’ici là, la campagne est ouverte. Les conventions préliminaires chargées de choisir les candidats se réunissent, les partis s’organisent pour l’action. Entre démocrates et républicains la lutte paraît devoir être plus acharnée que jamais. C’est qu’en effet cette prochaine élection présidentielle a un intérêt exceptionnel. Il s’agit de savoir si le protectionnisme à outrance consacré par le bill Mac-Kinley prévaudra indéfiniment ou sera vaincu, si le mouvement qui a porté l’an passé une immense majorité démocrate au congrès persistera et triomphera définitivement dans un nouveau vote, ou si les républicains prendront leur revanche par l’élection du président : c’est aussi important pour l’Europe que pour les États-Unis eux-mêmes.

Quel sera dans cinq mois l’hôte de la Maison-Blanche ? On ne peut certes le dire ; on ne peut que suivre les manœuvres des deux armées en présence. Au camp démocrate, l’ancien président, M. Cleveland, dont le passage au pouvoir n’a laissé que de bons souvenirs, qui a gardé un certain renom de libéralisme, paraît devoir rester le vrai candidat. Quelques compétitions ont pu se produire : elles semblent perdre de leurs chances et s’effacer pour laisser la place au représentant le plus sérieux du parti. Au camp républicain, tout est pour le moment assez confus, et la convention qui vient de se réunir à Minneapolis, de délibérer au milieu des démonstrations et des contradictions tumultueuses, a eu certes fort affaire pour fixer son choix. Jusqu’à ces derniers temps, le président qui habite la Maison-Blanche et qui briguait une réélection, M. Harrison, semblait avoir seul les chances les plus sérieuses. Il passait pour le candidat favori des républicains à la prochaine élection, lorsque tout récemment, par une sorte de coup de théâtre, a surgi une candidature inattendue, celle d’un des premiers politiques des États-Unis, du secrétaire d’État en personne, M. Blaine. Depuis un an, on ne cessait de parler de la santé perdue de M. Blaine ; le secrétaire d’Etat lui-même affectait de décliner toute candidature. Était-ce une tactique savante ? Que s’est-il passé depuis ? Toujours est-il qu’il y a peu de jours, brusquement, M. Blaine s’est démasqué par une lettre sommaire et brutale de démission à laquelle M. Harrison a répondu sur le même ton. Et voilà la guerre des candidatures allumée ! Voilà la lutte engagée entre le président et son secrétaire d’État d’hier : lutte d’autant plus grave, qu’elle se complique, à ce qu’il semble, de conflits personnels longtemps dissimulés, de froissemens intimes, de scissions peut-être irréparables. Harrison ou Blaine, qui allait choisir la convention de Minneapolis ? elle s’est décidée plus vite qu’on ne le