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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/584

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comme cela se pratiquait dès une haute antiquité dans le palais des rois d’Assyrie. De pareilles masses de matériaux dans lesquelles le bois n’entrait pour rien à Rome étaient à l’abri du feu. Cette considération, que j’ai déjà émise, on peut l’opposer à ceux qui voudraient qu’Adrien eût rétabli le Panthéon dans son état primitif. Comment, étant dépourvu de tout élément combustible, le premier temple aurait-il été incendié ? Il semblerait que la réfection de l’an 123 eût été, en partie du moins, une création.

Dans ces conditions, nous nous arrêtons avec hésitation devant les textes de Pline. Ne sont-ils pas plus vieux que le Panthéon actuel de près d’un siècle ? Ces textes ont été étudiés avec une persévérance infatigable ; ils sont l’objet d’un grand respect. Mais peut-être a-t-on étendu outre mesure leur signification ? Non-seulement on tient compte de ce qu’ils disent et on l’accepte ; mais, même en présence du monument, on croit devoir admettre, comme attesté par eux, ce qu’ils ne disent pas. Pline parle d’un temple. Il fait mention d’un fronton, de cariatides, de chapiteaux de bronze ; mais nulle part d’une rotonde et d’une coupole, chose cependant dignes de remarque. Cette voûte si vaste devait être, même à Rome, quelque chose qui méritait l’attention. En tout cas, rien de ce que rapporte l’auteur ne s’accorde avec ce qui existe. Mais si l’on veut bien penser qu’il voyait et décrivait un autre édifice, tout se simplifie. Alors le temple, un octostyle, se développe suivant les règles de Vitruve et la cella répond logiquement à l’ordonnance du vestibule. L’intérieur est divisé en trois nefs par des colonnes dont les chapiteaux sont de bronze. Les colonnes du milieu forment un premier ordre et elles portent des cariatides sur lesquelles la charpente vient poser. Cette partie de l’œuvre a pu brûler, les poutres n’étant pas seulement de bronze, mais de bois recouvert de métal. L’incendie a pu être allumé par la foudre ; il a pu aussi être concentré dans la cella et le portique rester intact. Voilà ce qu’il serait permis de penser du premier Panthéon, en concluant de ce qu’il en reste à ce qui en a péri ; et peut-être les découvertes à venir viendront-elles justifier ces conjectures.

Quant au texte de Dion Cassius, il s’appliquerait aux choses de son temps. Pline était mort en 79. Dion, qui était né en 155, a certainement vu le monument dans un état différent de celui que Pline a décrit. Depuis lors, le Panthéon avait été brûlé et rétabli deux fois. Les restaurations très fidèles telles que nous nous efforçons de les exécuter aujourd’hui n’étaient guère plus dans les habitudes des anciens que les copies serviles ; et chaque empereur devait être tenté de mettre du sien dans ce qu’il reconstruisait. Dion vit le Panthéon tel qu’il était sous Septime-Sévère, et c’est de celui-là qu’il a parlé. Mais cette réfection venait après celle