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nouvelles. Que de déclassemens individuels n’ont pas suivi les guerres locales, de château à château ! Que de dépossessions ont entraînées les guerres de religion ! En temps calme, plus près de nous, que de hasards dans les destinées ! Combien de fois, parmi les mendians arrêtés sous Louis XIV et Louis XV, et enfermés dans les hospices, ne se rencontre-t-il pas des membres de familles riches ou nobles de vieille extraction ! Que de rameaux se détachent, de races dont le tronc est demeuré illustre, et tombent dans l’humilité d’un quasi-néant ! Je ne voudrais désobliger personne en citant des noms, chacun de mes lecteurs n’en a-t-il pas sur les lèvres ? ..

Ainsi, sous l’action de causes multiples, les anciennes fortunes mobilières se sont vues fatalement rongées par le temps, et l’ensemble des fortunes privées, mobilières ou foncières, a bien des fois changé de mains, transférées involontairement par les anciens riches à des riches nouveaux.

Une dernière question se pose : y a-t-il eu autrefois, comparativement, d’aussi grandes fortunes qu’aujourd’hui ? Y en a-t-il eu en plus ou moins grand nombre qu’aujourd’hui, proportionnellement à la population ? La difficulté consiste ici autant à vérifier les chiffres qu’à se les procurer. Ceux qui ont cours dans les conversations mondaines, à la Bourse, dans la presse, sur nos Crésus contemporains, sont bien vagues et en général très exagérés. On juge s’il en dut être de même autrefois, où l’opinion n’avait même pas pour base les droits de mutation, payés en cas de décès, et les impôts sur le revenu.

Les auteurs de mémoires, de correspondances, sans suspecter aucunement leur bonne foi, n’ont pu y consigner que ce qu’ils entendaient dire autour d’eux, ce qu’ils croyaient être la vérité. Une certitude absolue ne pourrait résulter, pour les temps passés, que d’inventaires authentiques, et ils sont fort rares. Pour les temps présens, les droits d’enregistrement que prélève le fisc, lors de la transmission des héritages, ne peuvent servir de points de départ : les grandes fortunes se composent d’élémens très divers ; les immeubles qu’elles comprennent paient le droit au bureau dont ils dépendent géographiquement, les valeurs étrangères ne figurent pas dans le total. De plus, il y a des fraudes énormes. Il n’y en a pas moins dans les déclarations qui servent de base aux impôts sur le revenu, en Prusse, en Angleterre. Si les données fournies par le bruit public sont de beaucoup supérieures à la vérité, en revanche, les renseignemens tirés des documens fiscaux lui sont inférieurs ; et il n’est pas aisé de prendre la moyenne d’appréciations si différentes.

Le contribuable le plus imposé en Prusse ne paie que pour