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serait primitivement dépourvu de cet élément ou épuisé par la culture peut, du fait même d’une culture bien entendue des plantes qui le prennent dans l’atmosphère, et sans apport d’engrais azotés, s’enrichir suffisamment pour donner ensuite des récoltes satisfaisantes.

Rien de pareil ne se passe pour l’acide phosphorique ; quand une terre en manque, aucun apport ne se fait, si ce n’est par l’intervention de l’homme qui doit aller prendre dans les gisemens où les phosphates se sont concentrés, de quoi enrichir suffisamment la terre. De même, lorsqu’une terre a perdu, par une succession de cultures sans restitution suffisante, le phosphate qu’elle renfermait, c’est seulement par une fumure directe qu’il est possible d’y remédier.

Mais, d’un autre côté, si nous pouvons compter sur un apport permanent d’azote, nous devons aussi nous préoccuper de la déperdition de cet élément, qui ne reste pas acquis au sol dans lequel il a été introduit, mais qui s’en va en grande quantité sous forme de nitrate dans les eaux de drainage. L’azote est donc un élément beaucoup plus mobile que l’acide phosphorique ; il circule incessamment, des phénomènes naturels l’apportent d’un côté, l’emmènent de l’autre, les plantes cultivées devant le saisir en quelque sorte au passage pendant cette circulation.

L’acide phosphorique, au contraire, une fois acquis au sol, s’y trouve immobilisé, et n’est enlevé que du fait des cultures, c’est-à-dire à mesure de son utilisation ; il attend que les racines des plantes viennent le chercher, sans se trouver entraîné par les eaux qui traversent le sol. Si l’azote possédait cette fixité, on n’aurait guère à se préoccuper de sa restitution par les fumures, car les quantités introduites dans un domaine, surtout par la culture des légumineuses, dans un assolement bien conduit, sont considérables. Mais la forme soluble qu’il prend dans le sol sous l’influence des micro-organismes qui le transforment en nitrate, le prédispose à être enlevé par les eaux de pluie traversant le sol et s’écoulant suivant les pentes naturelles du sous-sol pour former les cours d’eau. La perte que subissent de ce chef les terres cultivées, dans lesquelles la nitrification des matières azotées est active, est un phénomène des plus préjudiciables à l’agriculteur, qui est forcé alors de restituer sous la forme de fumier, de nitrate de soude, de sulfate d’ammoniaque, cet azote qui lui est enlevé incessamment.

C’est pendant les pluies de l’automne et de l’hiver, après que les chaleurs de l’été ont provoqué une nitrification abondante, que ces pertes d’azote sont les plus fortes ; aussi s’est-on préoccupé de les éviter par des cultures dérobées venant absorber, au moins en