personne n’y mettait d’empressement, M. Proust en profita pour présenter un contre-projet préparé à l’avance. Il l’exposa avec son talent habituel, et la conférence consentit à le substituer au protocole anglais.
C’était un premier succès, l’habileté de nos représentans a fait le reste. Loin de prendre la défense du système des quarantaines, qui n’est plus en rapport avec les données de la science moderne, ils l’abandonnèrent résolument, pour y substituer celui de la désinfection. Ils prouvèrent que, grâce aux étuves à vapeur sous pression, qui ont aujourd’hui fait leurs preuves, elle peut être pratiquée d’une manière efficace et avec une rapidité telle, que la navigation n’en éprouvera pas de retard appréciable, et ils parvinrent à faire partager leur conviction à la conférence tout entière. Les délégués anglais, en voyant la question se poser ainsi sur un terrain tout nouveau, reconnurent la possibilité d’y trouver la solution qu’on avait vainement cherchée jusqu’alors, et ne persistèrent pas dans l’opposition invincible que leurs prédécesseurs nous avaient faite à Rome.
On put leur faire, en échange, une concession à laquelle ils attachaient une importance considérable. Les grandes compagnies de navigation anglaise demandaient avec instances que leurs navires ne fussent pas obligés de séjourner pendant vingt-quatre heures à Suez pour y être visités, ce qui leur faisait perdre un temps précieux pour l’accomplissement d’une simple formalité. Il parut possible à la conférence de les affranchir de cette entrave. Le séjour à Suez, nécessité par la visite sanitaire, peut être abrégé autant qu’on le voudra, à la condition d’augmenter le nombre des médecins chargés de cette visite.
Quant aux navires ayant encore le choléra à leur bord, ou l’ayant eu tout récemment, les représentans de la France maintinrent la nécessité de l’isolement et de la désinfection et ils eurent gain de cause, en prouvant aux Anglais que cette mesure, indispensable à la sécurité de l’Europe, n’imposerait à leur commerce qu’une entrave insignifiante. Sur 15,000 navires qui ont passé par le canal de Suez, de 1884 à 1891, leur dit M. Proust, on n’en a trouvé que 50 de suspects et 2 d’infectés. Il n’y en aurait donc eu que 2 d’arrêtés en sept ans. Comme entrave commerciale, c’est assurément bien peu de chose, et cela suffit pour empêcher le choléra de se répandre dans l’Europe entière. Les plénipotentiaires anglais reconnurent le fait avec une parfaite bonne foi. Ils demandèrent néanmoins un régime de faveur au profit des paquebots-poste qui remplissent un service public et pour leurs transports chargés de troupes. Cette faveur leur fut accordée, à la condition que ces bâtimens