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colossales, flamboyaient sur un transparent. Quand les gains manquaient, on les remplaçait, — Trait caractéristique ! — par la figure de Gladstone, comme si la vue du grand homme valait plusieurs victoires.

En outre des échecs prévus, il y eut de désagréables surprises. On devait tout « balayer » à Londres et dans les comtés : on avait gagné seulement quelques sièges. En revanche, les unionistes, à la faveur des discussions du parti nationaliste, avaient pris d’assaut plusieurs circonscriptions dans le nord et même dans l’est de l’Irlande. Enfin, le labour party par son insubordination, — il s’en vante, d’ailleurs ! — n’avait pas fait perdre moins de sept sièges aux libéraux, diminuant ainsi de J À voix la force du parti sur lequel il doit compter désormais pour accomplir les réformes populaires.

La majorité de M. Gladstone avait atteint le chiffre total de quarante-deux. La révision des suffrages, à Greenock, a donné un unioniste de plus au parlement et ramené la majorité libérale à quarante. C’est le chiffre définitif.


IV.

La bataille finie, même avant de partager le butin, il fallait relever les blessés et enterrer les morts. Les difficultés commençaient déjà. Il y avait des cadavres récalcitrans qui ne voulaient pas être enterrés et des blessés qui accusaient leurs camarades d’avoir tiré sur eux. Il y avait des vainqueurs parmi les vaincus et des vaincus dans les rangs des vainqueurs. Il était donc malaisé de tirer une leçon claire, décisive, des élections.

Le parti battu conserve une belle et imposante minorité. Il reste encore le maître à Londres et dans les grandes villes. Les home counties, qui forment le cœur de l’Angleterre, les universités qui en ont été longtemps le cerveau, sont à lui. Il ne laisse sur le carreau qu’un homme notable, M. Ritchie. C’est lui qui a organisé le gouvernement local de Londres. Aussi a-t-on accusé le county council d’ingratitude envers celui qui l’a mis au monde : « Quand on a un tel père, a dit ironiquement lord Rosebery, ce qu’on peut souhaiter de mieux, c’est de devenir orphelin. » Ce souhait s’est réalisé. Il ne faut pas prendre trop au sérieux un sarcasme lancé en pleine mêlée électorale. En réalité, M. Ritchie était un utile et intelligent serviteur du bien public, un démocrate à sa façon, qui n’était pas la plus mauvaise. On le regrettera.

Sur le chiffre total auquel atteint la minorité unioniste, les libéraux dissidens comptent quarante-huit représentans. Ils étaient plus de quatre-vingts aux élections précédentes, plus de soixante au moment de la dissolution. La diminution porte principalement