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programme. On trouva toutes sortes d’avantages à cet aqueduc à deux branches, comme l’appelèrent alors les projets officiels, l’une à l’est, l’autre à l’ouest, avec Paris au milieu : moindre dépense, division des risques, prompte exécution, tout était réuni : Paris pourrait boire à sa soif !

Mais il y avait loin de cette coupe enchanteresse aux lèvres parisiennes. Il fallut bientôt déchanter. Des résistances imposantes, — et, paraît-il, imprévues, — surgirent tout à coup. Provins, qui doit à la Voulzie et au Durteint le meilleur de son agrément et le plus sûr de sa fortune, a fait entendre de telles réclamations, si bien justifiées et, — ce qui vaut encore mieux ici-bas, — si bien appuyées, que cette partie du grand projet est ajournée, sine die, comme disent les instrumens diplomatiques. On n’en parle plus. Le poulpe parisien a renoncé à étendre jusqu’au joli pays des roses un de ses avides et monstrueux tentacules.

Tout le monde a encore présent à l’esprit l’opposition obstinée, presque factieuse, a-t-on dit, mise par les Normands à l’adduction des sources de l’Avre. Il a fallu leur céder quelque chose, et la belle source de Verneuil leur reste. Les autres, définitivement assurées à la ville de Paris par la loi votée en 1890, vont bientôt arriver au beau réservoir, construit pour les recevoir sur les hauteurs de Montretout, et ce grand travail d’adduction aura été exécuté avec une rapidité qui ne semble pas devoir nuire à sa perfection. Ce sera 80,000 à 90,000 mètres cubes, — officiellement 100,000 mètres cubes. On est loin, on le voit, des 250,000 mètres cubes du projet de 1884.

Trouvera-t-on aisément ailleurs ce qui va manquer, et qui, déjà proclamé nécessaire il y a huit ans, est aujourd’hui à peu près strictement indispensable ? S’adressera-t-on à d’autres sources, présentant des conditions moins favorables, sans doute, mais dont on serait cependant tout heureux et tout aise de s’accommoder ? Il n’en manque pas, dans ce grand cercle autour de Paris, dont nous avons déjà parlé. Mais partout, il faut s’attendre aux résistances les plus vives, tout au moins à d’inacceptables exigences. Le temps n’est plus où l’ingénieur Vallée, chargé par Belgrand de faire à l’amiable l’acquisition des sources de la Vanne, pouvait dire aux paysans champenois, avec la certitude qu’il ne serait pas cru et que c’était là le meilleur moyen de dépister les curieux, qu’il venait, à 150 kilomètres de Paris, acquérir des sources pour la capitale. Les fins matois, à qui il tenait ce propos, le regardaient en souriant et s’éloignaient en haussant les épaules. Il n’en serait, certes, plus de même aujourd’hui. Le moindre propriétaire de source est bien décidé à la transformer en Pactole le jour où poindra à l’horizon l’agent du service municipal. Il y a aussi les villes,