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conduire l’élection à bon terme, de surveiller de loin et de haut les agissemens du comité central, des comités d’État, des agens principaux, d’épier les fautes de tactique de ses adversaires, de tirer parti des incidens qui peuvent se produire ou qu’il fait naître, d’inspirer et d’orienter la presse du parti, de modérer ou d’activer son zèle, de concentrer, ainsi qu’un général habile, ses plus puissans moyens d’action sur les États incertains. C’est à lui qu’ont affaire les solliciteurs signalés comme en mesure de déplacer le vote d’une circonscription importante ; c’est de lui qu’émanent les promesses de places, les engagemens pris à échéance, réalisables au lendemain du succès. Il est l’ingénieur de la grande machine qui manipule la matière électorale ; il la met en branle ; elle reçoit de lui son impulsion et, pendant quatre mois, elle fonctionne sans relâche sous sa direction.

Il est quelquefois l’ami, le bras droit du président futur, l’homme qui a posé et prôné sa candidature, qui a travaillé la convention d’où le nom du candidat est sorti victorieux. Il n’est souvent aussi rien de tout cela, ni l’ami, ni le confident de l’élu, mais le tacticien du parti, imposé par le parti, l’homme habile, ambitieux, qui, sous main peut-être, prépare sa propre élévation à l’élection suivante. Ainsi fut Blaine pour Harrison : son grand électeur, mais son rival futur. Il a, sinon la confiance du candidat, à tout le moins une grande expérience des choses politiques, un rare sang-froid, un coup d’œil juste, une connaissance approfondie des visées secrètes, des ambitions inavouées, de la valeur vraie des hommes en vue du parti dont il est le meneur. Il est actif, infatigable, toujours sur la brèche, toujours calme et tout à tous.

Pour le seconder dans sa tâche écrasante, il a ses secrétaires volontaires, ses collaborateurs, dont des places bien rétribuées récompenseront le zèle et les efforts. À eux, les besognes secondaires auxquelles il ne saurait suffire, les entrevues, les marchandages dans lesquels il ne saurait figurer. Ils transmettent ses ordres et ses indications ; ils examinent, trient ou rédigent les nombreux documens que l’on distribue par millions : attaques ouvertes ou perfides contre le parti adverse, extraits d’articles de journaux ou de discours oubliés, rassemblés avec art, en vue d’influencer les électeurs, notes discrètes communiquées à la presse amie. Parfois, détachés dans un État douteux, ils vont y porter le mot d’ordre, la parole du chef, réchauffer le zèle des agens, ratifier les transactions amenées à bonne fin. Ils sont les bras et les yeux du metteur en œuvre.

Mais celui qui le seconde et le renseigne est un tout autre personnage. Président du comité central, il est, lui, l’homme