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agens secrets, en ballots de brochures, de journaux, en publications d’actualité, en bandes de musiciens pour les parades publiques, en comparses secondaires pour simuler et stimuler l’enthousiasme, en dons d’uniformes aux pompiers, en subventions aux nombreuses sociétés volontaires, en frais de voitures surtout, car, une fois la campagne ouverte, « il n’est pas de politicien, selon le dicton populaire, qui aille à pied. »

Un chiffre emprunté aux comptes de dépenses de la dernière lutte présidentielle donnera une idée de ce que coûte, ou est censé coûter le transport en voitures des agens de tous ordres. Le comité central républicain traita avec un nommé Davenport pour fournir des véhicules à ses agens le jour de l’élection, et lui versa de ce chef une somme de 600,000 francs. Le comité, pour justifier cette dépense, disait dans son rapport que « ce service de voitures était indispensable. » Il faut le croire, car à chaque élection cette dépense augmente. « Il est vrai, ajoute un journal, que M. Davenport n’a pas d’autre industrie connue que la direction du bureau des voitures en temps d’élection. »

Les comités locaux, constitués dans tous les centres importans de l’État, ont chacun un district électoral à surveiller, à conquérir ou à défendre. Ces comités se composent des hommes influens ou habiles que le parti compte dans la région. Leurs services sont gratuits, leur concours volontaire en apparence, mais il n’en est guère qui n’ait, au succès, un intérêt personnel. Les plus capables ont la perspective d’une place, les autres celle d’un concours effectif pour leur candidature à l’un des nombreux emplois locaux. Ils travaillent pour leur parti et pour eux-mêmes. Au lendemain du succès, ils iront grossir la foule des Carpet Baggers, « porteurs de sacs de nuit, » qui se rue sur Washington en quête de places et de recommandations. Si quelques-uns font exception et sont des adhérens désintéressés et militans de leur parti, les autres appartiennent à la grande armée des politiciens dont le nom et la profession furent longtemps une spécialité américaine. Ils vivent de la politique, et les périodes électorales sont leurs périodes de travail ; ils ne chôment guère d’ailleurs, élections présidentielles, congressionnelles, municipales, élections de gouverneurs, de contrôleurs, de juges, de sénateurs, de représentans d’État, se succèdent et, pour toutes, on a recours à eux ou ils s’imposent. lisse recrutent dans toutes les classes sociales, ils n’appartiennent plus à aucune ; ce sont d’ordinaire des déclassés : déserteurs de l’atelier ou des fermes, des professions libérales, du commerce ou de l’industrie, en quête de chemins de traverse pour arriver et, de fait, les plus capables se hissent parfois à de hautes fonctions, encourageant les autres par leur réussite. Elle dépend