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la médecine, les mathématiques, la philologie[1]. Nous nous en doutions, nous n’avions pas pour cela besoin de statistique. C’est pour la musique et pour la philologie, pour l’art des sous et pour la science du langage, deux choses après tout peut-être secrètement apparentées, que les Juifs ont sans conteste manifesté le plus d’aptitudes. Les musiciens d’origine juive, inutile de les nommer, beaucoup sont connus. Les philologues, les archéologues, les érudits en général sont peut-être encore plus nombreux. On pourrait dire, à cet égard, qu’une bonne partie de la science contemporaine, de la science française surtout, est juive. Je citerai au hasard, chez nous, les Munck, les Oppert, les Bréal, les Weil, les Derenbourg, les Halévy, les Loeb, les deux Darmesteter, les deux Reinach. Cette disposition des Juifs pour la philologie et les sciences d’érudition, je l’ai déjà remarquée ; elle s’explique par leur éducation historique, par l’étude héréditaire des textes anciens, et aussi par les migrations, les exodes successifs de Juda, par la fréquence de ses voyages, libres ou forcés, chez des peuples de langues diverses. Contraint d’être polyglotte, le Juif est plus aisément devenu philologue, quoique les deux choses n’aillent pas toujours ensemble. Un chrétien de mes amis, philologue lui-même, s’amusait à en donner une autre explication. Il voyait dans la philologie, spécialement dans la phonétique, dans les permutations des voyelles et des consonnes, une sorte de change des sons, dont le Juif, habile à toute sorte de change, saisissait aisément les lois.

De ce que la musique est l’art, et la philologie la science où le Juif a le mieux réussi, il ne faudrait pas conclure qu’il est impropre aux autres. Rien de plus faux. Il n’est peut-être pas une science, pas un art où les fils d’Israël n’aient fait leurs preuves. Cela n’est point pour nous surprendre, puisque nous avons montré que leur faculté maîtresse est le don d’adaptation. Quelques-uns regardent l’intelligence comme un instrument qui se prête également à tout. Si cela semble parfois vrai, c’est peut-être du Juif. Il y a des arts pour lesquels il a longtemps paru dénué de toute aptitude : la peinture, la sculpture, les arts plastiques en général. Mais voici qu’en Hollande, en Allemagne, en France, en Russie même, il a commencé à s’y mettre. On compte chaque année, à nos expositions, une cinquantaine d’artistes juifs. Beaucoup y ont obtenu des récompenses ; quelques-uns se sont fait un nom, tels qu’Emile Lévy, Lehmann, Heilbuth, Worms, tels que l’Allemand Liebermann ou l’Américain Mosler ; un ou deux ont une réputation européenne ;

  1. M. Jacobs ajoute la finance, ce qui me paraît superflu. En revanche, il prend la peine de noter l’infériorité des Juifs comme généraux et comme marins ; les raisons en sont assez claires.