sciences, des découvertes, des histoires, des contes. Israël a été un trait d’union entre l’Orient et l’Occident, entre l’antiquité et le moyen âge, entre le monde musulman et le monde chrétien. Tel a été son rôle capital ; et cette fonction qu’il garde encore parfois de nos jours, Israël la tient bien moins de ses instincts ethniques que de son histoire, de sa dispersion aux confins des races et aux confluens des civilisations. Que l’ancien peuple de Dieu n’ait apporté à notre culture que ce qu’il avait reçu d’autrui ; qu’au milieu des peuples modernes, il n’ait pas montré de génie distinct, spécifiquement juif, cela ne semble-t-il pas prouver qu’il n’a plus de génie national particulier ? que s’il en a eu un, chez lui, jadis, en Palestine, il l’a, depuis longtemps, perdu en son mélange avec nous ? Et encore une fois, s’il n’a plus de génie propre, s’il n’est bon qu’à imiter, à emprunter, à transmettre aux uns ce qu’il reçoit des autres, comment ce mince résidu de Juda, dilué entre cent peuples, peut-il mettre en péril notre génie national ?
Ici prenons garde de confondre le Juif et la race juive, l’originalité nationale et les facultés individuelles. De ce qu’Israël, en tant que peuple, en tant que race, ne semble plus témoigner de génie national, il ne suit point que le Juif, en tant qu’individu, comme homme moderne, comme Français, Anglais, Allemand, soit toujours dénué de toute originalité, de toute spontanéité. Est-il vraiment certain que le don d’invention a été uniquement dévolu aux aryens et reste la marque de la race ? Combien d’entre nous pourraient alors faire preuve de sang aryen ? Je vois des peuples entiers qui, depuis des siècles, n’ont pas produit de génie créateur. Faut-il les ranger parmi les sémites ? Ne soyons pas dupes de cette vague notion de race. Le petit nombre relatif des Juifs, l’épaisseur des nuages hier encore amoncelés sur le ciel de Juda, expliquent assez qu’à leur firmament ne scintille pas d’étoile de première grandeur. Peut-on dire pour cela que, poètes, artistes ou penseurs, les Juifs n’ont jamais été que des reflets de notre flambeau ou des échos de notre voix ? Parce que, sans Descartes, il n’y aurait peut-être pas eu de Spinoza, irons-nous affirmer que Spinoza était un philosophe sans idées, sans vues et sans génie ?
Et ce que nous n’oserions écrire de Spinoza, le plus grand des fils d’Israël, le dirons-nous d’un poète tel que Heine ? Est-il faux que, à la lyre germanique, ce sceptique héritier du psalmiste ait ajouté une corde d’une finesse étrange ? ou notre oreille n’en perçoit-elle plus les vibrations subtiles et les dissonances délicates ? Si démodé que soit le poète juif en Allemagne, répéterons-nous que ses Lieder ne sont qu’une insipide versification de copiste sans spontanéité, sans imagination, sans humour, sans imprévu, sans génialité en un mot ? Il me semble, quant à moi, que