Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commencé au XIIIe siècle par Nicolas de Pise, continué au XVe siècle par Nicolas de Bari, ou Niccolò dell’ Arca, et qui incarne les évolutions de la sculpture toscane depuis ses débuts jusqu’à son déclin. Michel-Ange l’orna de la statue de saint Petronius et de la statuette d’un ange tenant un candélabre, ouvrage au sujet duquel une singulière confusion a régné jusqu’à ces derniers temps : on a, en effet, attribué à Michel-Ange l’œuvre de Niccolò dell’ Arca et vice versa. Le doute, cependant, n’est pas possible, et un examen approfondi de la statuette vient ici confirmer le témoignage des pièces d’archives : cet enfant athlétique qui, pour soutenir un flambeau, déploie autant de force qu’il en faudrait à Atlas pour supporter le globe terrestre, cet enfant à l’expression sombre, au torse gigantesque, cet enfant, que dis-je ? cet homme en miniature, ne saurait provenir que du ciseau de Buonarroti.

Admirable en lui-même, par le spectacle de la force concentrée, l’ange de la châsse de Saint-Dominique pèche par la vraisemblance. Qu’avons-nous affaire, pour porter un flambeau, d’un ange taillé en Hercule ! Son caractère et son rôle exigeraient plutôt la suavité, et à cet égard, le prédécesseur de Michel-Ange, Niccolò dell’ Arca, s’est bien autrement pénétré des exigences de son sujet : sa figure offre une grâce et un charme inexprimables.

De retour à Florence, Michel-Ange trouva la ville profondément remuée, et par la chute des Médicis, et par le passage de l’armée française, et par les innovations du gouvernement révolutionnaire, et surtout par les prédications de Savonarole. Cette période si troublée de l’histoire de Florence ne fut point cependant stérile pour les arts ; de même que la république ambrosienne, fondée à Milan après la mort du dernier Visconti, de 1447 à 1450, la république florentine tint à honneur, pendant cet espace de dix-huit ans, de 1494 à 1512, d’encourager les arts. Elle le prouva par la construction de la grande salle du conseil, au palais de la Seigneurie, par la commande faite à Michel du David colossal et du carton de la Guerre de Pise, et à Léonard du carton de la Bataille d’Anghiari.

Les particuliers ne le favorisèrent pas moins, et parmi eux ce fut derechef un Médicis qui se signala au premier rang. Ce Médicis, il est vrai, appartenait à la branche populaire, la rivale de celle qui venait de perdre le pouvoir. N’importe : voilà Michel-Ange condamné une fois de plus à recevoir des bienfaits d’une famille qu’il haïssait du plus profond de son âme, comme les oppresseurs de sa patrie. Après Laurent le Magnifique et Pierre, fils de Laurent, leur cousin Laurent, fils de Pierre, fils de François, le chargea de sculpter un petit Saint Jean-Baptiste en marbre, un Giovannino,