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L'INFLUNCE ET L'AVENIR
DES
IDÉES CARTÉSIENNES

On s’est souvent demandé, tout en déplorant la mort prématurée de Descartes à cinquante-trois ans, si, par une vie plus longue, il aurait beaucoup ajouté à ses chefs-d’œuvre. Sa pensée, dit-on, n’était-elle pas déjà fixée pour jamais ? sa confiance en l’infaillibilité de sa méthode n’était-elle pas inébranlable ? Il avait une aussi belle obstination dans ses idées que s’il eût été le « Breton » le plus bretonnant. Voulut-il jamais changer une ligne à ce qu’il avait écrit ? S’il avait vécu, ajoute-t-on, il se serait probablement contenté de faire des découvertes nouvelles dans les mathématiques, la physique et la médecine. — On oublie la morale. Si nous voulions, nous aussi, nous lancer dans les hypothèses, nous croyons que Descartes n’aurait pu résister au désir d’édifier une théorie de l’homme et de la conduite. C’était la préoccupation qui, après sa mort, devait aller dominant chez ses grands disciples, comme Spinoza, et qui allait aboutir à une nouvelle doctrine de la vie, à une éthique.

Chez Descartes même nous voyons s’accroître, avec les années, le souci des questions psychologiques et morales, qui contraste avec ses premières préoccupations, d’abord scientifiques, puis toutes métaphysiques. Victor Cousin, Jouffroy et Saisset nous ont représenté Descartes comme « un homme qui passe sa vie à observer en lui-même le travail de la pensée, le jeu des passions, etc. »