Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 115.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spacieux et tranquille à l’abri de toute atteinte. Celle-ci s’y trouverait encore hors de la vue de l’ennemi, grâce à la chaîne de montagnes qui sépare la mer et les eaux intérieures.

Que reste-t-il à faire pour utiliser ce merveilleux port de refuge ? Draguer quelque peu l’étang de Caronte, en rectifier surtout les courbes ; faciliter l’accès du port de Bouc. Moyennant ces travaux peu coûteux, dont la dépense n’excéderait pas 400,000 francs, et qui pourraient être rapidement exécutés, toute la flotte de commerce aurait la faculté de se réfugier au nord de l’étang, dans la partie dite Golfe de Saint-Chamas.

Mais si l’on n’est pas arrivé jusqu’ici à convenablement aménager ce lieu de retraite, dont pourraient profiter, avec la marine marchande, ceux des bâtimens de guerre qui auraient besoin d’un abri momentané, c’est que la question de l’utilisation de l’étang de Berre n’a pas encore été envisagée dans toute son ampleur, et que la plus intéressante des faces qu’elle présente est demeurée dans l’ombre.

En réalité, la création du port de refuge ne sera un fait accompli que le jour où l’étang aura été réuni par le canal de jonction aux ports de Marseille. Alors naîtra sur ses rivages un faubourg industriel de la grande ville. Usines, entrepôts et magasins viendront chercher là des terrains à bas prix, des frais généraux peu élevés, des dépenses de camionnage réduites au minimum, en un mot, des conditions meilleures que celles qui leur sont faites au sein d’une agglomération importante et fort ancienne. Que l’on se représente les deux lignes de chemins de fer, qui maintenant desservent les vastes solitudes environnantes, alimentées par un trafic copieux ; les penelles descendant d’Arles, remontant de Marseille, allant et venant dans les deux sens, chargées de matières et de produits qu’elles prennent ou déposent en passant sur les rivages de l’étang, et les steamers pénétrant par Port-de-Bouc et l’étang de Caronte rectifié, pour accoster le long des hangars et des fabriques. Que l’on s’imagine les incalculables avantages que procurera la mise en valeur d’une région si complaisamment traitée par la nature et si délaissée par les hommes !


V

Pourquoi donc tant tarder dans l’accomplissement de ces deux entreprises qui ont réuni les suffrages d’un si grand nombre d’hommes compétens et peuvent influer sur les destinées commerciales de la France entière ?

On ne saurait prendre pour prétexte la facile navigabilité du Rhône entre Arles et Saint-Louis. La circulation sur le Bas-Rhône n’est pas