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rives du Nil tout l’ivoire, toutes les verroteries et toutes les faïences que renferment les tombes. C’est à cette époque que les Phéniciens, vassaux de l’Egypte et ses courtiers privilégiés, ont commencé de s’établir à Cypre, à Rhodes et à Théra, puis à visiter les autres îles et tous les rivages de la mer Egée, offrant aux indigènes, en échange des produits de leur pays, les matières brutes ou les objets ouvrés qu’ils tiraient de l’Egypte et de l’Asie antérieure ou qu’ils avaient eux-mêmes fabriqués. Parmi les objets de physionomie exotique qui ont été trouvés à Mycènes, il y en a qui n’ont pas le caractère égyptien, qui sembleraient plutôt se rattacher à des types créés ou tout au moins popularisés par l’industrie phénicienne. Tels sont ces petits simulacres en or où l’on reconnaît Astarté autour de laquelle voltigent ses colombes et ceux qui figurent le temple même de la déesse.

On s’est demandé si, parmi les influences que Mycènes a subies, il ne fallait pas compter aussi celle des Hétéens ou Syro-Cappadociens. Sans doute, entre ceux-ci et les tribus qui habitaient les rivages asiatiques de la mer Egée, il a pu y avoir plus d’un point de contact ; mais l’art mycénien, avec son sentiment très intense de la vie, est très supérieur à celui de la Haute-Syrie et de la Cappadoce, qui reste toujours pauvre d’invention et très conventionnel. On a cherché du côté de la Phrygie ; les lions affrontés et séparés par une colonne ou par un vase se retrouvent sur la façade de plusieurs des tombes voisines de Seïd-el-Ghazi ; le pur ornement offre aussi, de part et d’autre, certaines analogies ; mais ce qui indique que les deux séries de monumens ne sont pas contemporaines, c’est qu’il y a des inscriptions sur celles des tombes de la nécropole phrygienne qui ont l’aspect le plus archaïque ; l’alphabet y offre des formes de lettres déjà plus éloignées du prototype phénicien que dans certaines variétés de l’alphabet grec. C’est que les règnes des princes dont les noms se lisent au front de ces sépultures se placent entre le IXe et le VIIe siècle. Dans le cas où l’on n’expliquerait pas cette concordance des thèmes du décor par l’imitation d’un modèle commun, emprunté aux arts de l’Orient, il faut regarder ce style phrygien comme une prolongation et, qu’on nous passe l’expression, comme une queue de l’art mycénien.

Si Mycènes a tiré quelque chose de la Phrygie, ce n’est pas de cette Phrygie du Sangarios, qui est presque moderne, c’est d’un royaume phrygien très antérieur, dont le souvenir ne s’est conservé que dans le mythe, de celui qui paraît avoir eu son centre dans la basse vallée de l’Hermos, au pied du mont Sipyle ; là aurait régné Tantale, le père de Pélops, et, sur le versant méridional de la