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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/347

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Le Mexique a, en effet, 1,946,262 kilomètres carrés, soit une superficie à peu près égale à celle de la France, de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie, des Iles britanniques, de la Belgique, de la Hollande et de la Suisse réunies. Situé entre le 15° et le 32° 40’ de latitude nord, c’est-à-dire en grande partie dans la zone tropicale, cet immense pays réunit à cause de son relief et de sa configuration tous les climats. Il n’a presque point de parties inhabitables, et, s’il n’a actuellement que onze à douze millions d’âmes, cela tient uniquement à ses révolutions politiques et à son état économique encore arriéré.


I

Le voyageur, qui, venant des États-Unis, franchit la frontière à El-Paso-del-Norte ou à Nuevo-Laredo, est au premier coup d’œil frappé par le contraste des deux civilisations. Le Texas et le Nouveau-Mexique, quoique conquis par les Américains, il y a un demi-siècle seulement, ont été complètement transformés par eux. Les quelques groupes de population mexicaine qui y subsistent encore sont cantonnés sur certains points et s’amoindrissent journellement. Au-delà du Rio-grande-del-Norte, tout change subitement. Les trains ont trois classes de voyageurs au lieu de la classe unique que les mœurs yankees imposent, au moins en principe, car le Pullman-car permet de s’y soustraire pratiquement. Les hommes qui montent dans les wagons portent tous ostensiblement un revolver et une cartouchière dont ils ont l’air aussi fier que de leur sombrero à larges bords, et de leurs vêtemens couverts d’ornemens d’argent. Les journaux ne circulent presque plus ; mais à chaque station des gendarmes surveillent les voyageurs qui descendent du train, et, si vous sortez de la gare, vos bagages sont fouillés par un employé de l’octroi tout comme en France. La présence du gendarme et l’inquisition de l’octroi vous avertissent du premier coup que vous êtes dans un pays à civilisation latine, malgré le grand nombre d’individus qui ont le type plus ou moins pur de la race rouge.

Le développement historique des deux nations et leur constitution sociale sont également différens.

Ce qui caractérise les États-Unis contemporains, c’est la grande unité et la simplicité relative de la société. À peine trouve-t-on quelques traces d’un esprit particulier chez les descendans des puritains de la Nouvelle-Angleterre et chez certains groupes d’immigrés allemands qui demeurent pendant une génération réfractaires à l’usage de la langue anglaise. N’était la population noire