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de culture intellectuelle. On les voit à Paris quelquefois ; mais ils ne font que passer, et c’est plus loin que se trouve le but de leur voyage, en Allemagne. Les laboratoires allemands attirent aujourd’hui, nous dit-on, un grand nombre d’élèves américains. L’été dernier, au laboratoire de M. Wundt, nous apprend M. von Biervliet, dans une brochure récente, il y en avait cinq sur vingt-quatre jeunes gens qui faisaient des recherches originales ; ils montrent le même acharnement patient au travail que les étudians allemands. Ce n’est pas sans regret que nous voyons se diriger ailleurs ce flot d’étudians étrangers ; mais comment pourrait-il en être autrement ? La psychologie physiologique et expérimentale est portée en Allemagne à un degré remarquable de perfection, qui est dû à une foule de circonstances qui n’existent pas en France : l’entraînement des travailleurs, la place de la psychologie expérimentale dans les examens et dans l’enseignement, et enfin la richesse du budget.

Il est temps de dire maintenant, avec un peu d’exactitude, quelle peut être l’utilité d’un laboratoire pour la psychologie. Les laboratoires sont utiles à la psychologie parce qu’ils fournissent à cette science des moyens perfectionnés d’observation. On peut sans doute faire de la bonne psychologie sans laboratoire, et avec le seul secours d’une main de papier et d’un crayon ; pour observer, on se sert simplement de ses yeux et de ses oreilles ; on constate des différences de qualité, on ne peut guère, dans la plupart des cas, prendre des mesures. C’est là l’utilité des laboratoires ; ils sont munis d’un ensemble d’appareils de précision, chronomètres, appareils enregistreurs, chambres noires, etc., qui permettent de mesurer les phénomènes psychologiques.

Longtemps on a cru que ces phénomènes échappent à la mesure par leur nature même ; c’était l’opinion de Kant ; le grand philosophe s’est trompé ; les faits sont là pour prouver l’évidence de son erreur ; un simple coup d’œil jeté sur la liste des communications au congrès montre tout de suite le nombre des travaux qui reposent uniquement sur des mesures psychologiques.

On peut d’abord mesurer des sensations, ou, pour parler plus exactement, on peut chercher à déterminer quantitativement quelle intensité il faut donner à une excitation pour qu’elle soit sentie, et ensuite quel accroissement il faut donner à l’excitation première pour que cet accroissement soit senti. Mettons dans la main d’une personne un poids quelconque, soit dix grammes ; la personne sent ce poids, le soupèse, l’apprécie ; cherchons quel poids additionnel il faut ajouter aux dix grammes pour que la personne sente une augmentation de la charge, et ainsi de suite ; nous parviendrons, par ces minutieuses expériences de mesure, à connaître le plus petit