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accroissement d’excitation qui peut être perçu. Les recherches de ce genre portent le nom de psycho-physique ; elles tendent à établir une relation numérique entre les sensations et leurs excitans. Des volumes ont été écrits sur la psycho-physique, qui est considérée comme une des parties les plus perfectionnées de la psychologie des sensations.

Aprè3 la mesure de la sensation, vient la mesure du temps ; on s’est proposé de fixer la durée exacte des actes psychiques, depuis l’acte le plus élémentaire jusqu’aux plus complexes. Ce second groupe de recherches a reçu souvent le nom de psychométrie. On sait quel est le principal résultat de ces recherches ; il a été de montrer que la pensée n’a point, comme on le croyait autrefois, la rapidité de l’éclair ; métaphore inexacte à laquelle il faut renoncer ; la pensée est un phénomène relativement lent, si on la compare à la vitesse de propagation de la lumière ; elle demande toujours plusieurs centièmes de seconde ; si on voulait à toute force employer une image, il faudrait dire que la pensée, au point de vue de la vitesse, égale la locomotive d’un train express ou le vol de l’aigle.

La détermination de la durée dans les actes psychiques exige, comme il est facile de le comprendre, des chronomètres d’une grande exactitude, et une installation compliquée qu’on ne trouve guère que dans les laboratoires. Il faut pouvoir employer des instrumens qui donnent le centième de seconde ; il faut en outre pouvoir enregistrer instantanément le commencement et la fin du phénomène de conscience à mesurer ; sans cette instantanéité, point d’expérience précise ; et comme on n’arrive à l’instantanéité qu’en faisant usage des courans électriques, on a pu affirmer que sans électricité point de mesure de la pensée. L’électricité, écrit Buccola, est aussi nécessaire pour connaître la vitesse de la pensée que le microscope pour connaître l’organisation de la cellule vivante et la lumière polarisée pour connaître la structure physique de certains corps.

Pour bien fixer les idées, il sera utile de donner une description théorique des expériences de psychométrie. Supposons un arrangement électrique tel que, lorsqu’un courant passe, une aiguille est mise en mouvement sur un cadran, et que l’interruption du courant arrête l’aiguille ; si on connaît la vitesse de celle-ci, et que son mouvement soit rigoureusement uniforme, une simple lecture sur le cadran suffira pour faire connaître le temps écoulé entre les deux changemens électriques. Pour appliquer ce procédé à la mesure d’un phénomène de conscience, il suffira que le premier changement coïncide avec le commencement de l’acte psychologique et le second changement avec sa fin.