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C’est ce qui a lieu dans l’expérience suivante : on convient avec une personne que, dès qu’elle percevra un certain bruit qui servira de signal, elle devra agir sur un bouton électrique avec le doigt ; le temps qui s’écoule entre le signal donné à la personne et le mouvement de son doigt porte le nom de temps de réaction simple ; qu’on y réfléchisse, et on verra que c’est le phénomène le plus simple qu’on puisse mesurer ; cet acte si simple dure en moyenne douze centièmes de seconde.

Cette première expérience n’est qu’un point de départ, pour toute une série de mesures que l’on exécute sur des opérations mentales à complexité croissante ; après avoir mesuré les temps de réaction simple, on a mesuré les temps de discernement ou de choix, c’est-à-dire le temps qu’il faut pour percevoir une différence, pour compter des objets, pour les nommer, pour faire un raisonnement quelconque, etc.

On ne saurait avoir une idée du soin qu’on prend en Allemagne pour mettre ces mesures à l’abri des causes d’erreur, qui sont d’autant plus dangereuses qu’il s’agit de mesurer des centièmes de seconde ; avant de noter les réactions d’une personne, on la soumet à six mois d’exercice ; pour éviter toutes les causes de distraction, on l’isole dans une pièce silencieuse où elle ne reste en communication avec les expérimentateurs que par le téléphone ; enfin, avant de conclure, on attend d’avoir amassé plusieurs milliers de chiffres.

Depuis plus de vingt ans que les psychologues prennent des temps de réaction, ils n’ont pas complètement épuisé la question, et les nouveaux-venus ne sont pas encore réduits à glaner quelques détails sans importance, oubliés et dédaignés par leurs devanciers. Les communications sur la psycho-physique et sur la psychométrie ont été nombreuses au congrès de Londres. M. Ebbinghaus a exposé une théorie nouvelle sur la perception des couleurs ; une dame américaine, miss Franklin, a traité le même sujet, avec des vues différentes. Sur la mesure des sensations, on a entendu une communication de M. Mendelssohn ; et sur les temps de réaction, une étude de M. von Tschisch ; M. Goldschneider a exposé des observations relatives au sens tactile des aveugles, etc.

Un dernier mot sur toutes ces questions. On pourrait croire, si on jugeait la psychologie des laboratoires d’après les seuls exemples énumérés, que c’est une psychologie élémentaire, confinée dans l’étude des sensations et des mouvemens, et des élémens les plus simples de la pensée. À cette objection, il faut répondre en citant la belle étude de M. Munsterberg. M. Munsterberg, récemment encore professeur à Fribourg, appelé maintenant à diriger