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Ribot, ont écrit à une époque où l’hypnotisme n’était guère en faveur ; les études hypnotiques ont simplement fourni une méthode nouvelle pour un genre de recherches qui a toujours été florissant en France.

Quel est l’état actuel de nos connaissances sur la question de l’hypnotisme ? Peut-être le congrès de Londres ne nous renseigne-t-il pas exactement sur ce point ; quelques-unes des communications qu’il a provoquées, comme celle de M. Delbœuf, portent sur des phénomènes un peu spéciaux ; quant aux questions générales, elles n’ont pas provoqué de faits nouveaux, mais des discussions nombreuses, auxquelles ont pris part tous les auteurs connus, M. Bernheim, M. Bérillon, M. Janet, etc. ; chacun a paru conserver sa position acquise, et comme le remarque avec malice un commentateur, chacun a répété les mêmes mots et les mêmes phrases qu’il y a trois ans au congrès de Paris. Laissons là ces discussions et ne nous occupons que des points acquis ; ce sont ceux dont on parle le moins.

À notre avis, les recherches d’hypnotisme de ces quinze dernières années ont surtout contribué à mettre en lumière un fait extrêmement important : l’action morale de l’homme sur l’homme. C’est cette action morale qu’on appelle aujourd’hui suggestion ; on a donné un nom nouveau à une chose ancienne, si ancienne qu’elle a dû se produire dès que deux êtres humains se sont rencontrés.

Cette action morale, qui ne la connaît, qui ne l’a exercée, qui ne l’a subie ? Elle est partout autour de nous, et pour l’apercevoir il suffit d’écouter deux personnes qui causent ou qui discutent ; rarement les deux interlocuteurs sont d’autorité égale ; le plus souvent, il y en a un qui mène la conversation, qui l’interrompt, la reprend et la dirige à son gré ; et cette autorité n’est pas nécessairement du côté de la raison, du bon sens, ni même de l’esprit. L’homme d’autorité est celui qui parle longuement, et qui parvient à faire écouter avec respect et une sorte de recueillement des histoires sans intérêt, qu’il raconte avec lenteur. À quoi tient son autorité ? Pourquoi y a-t-il des individus qui naturellement, sans effort, sans même le savoir, prennent la place la plus en vue dans un cercle d’interlocuteurs, imposent leur opinion et leur goût dans un salon et même dans toute une société ? L’autorité semble faite d’un grand nombre de qualités physiques et morales, dont aucune, isolément, n’est nécessaire, et qui agissent par leur ensemble ; une bonne organisation physique, une adresse naturelle, une voix forte et bien timbrée, une élocution facile, un regard ferme, un esprit prompt à la riposte, du calme, de la fermeté, une sensibilité modérée, du tact, de la confiance en soi-même, des idées arrêtées,