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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mars.

Au milieu de tout ce fatras de procès, d’interpellations, d’indiscrétions bruyantes, d’incohérences judiciaires, parlementaires et ministérielles, il y a des événemens qui sont comme les diversions inattendues de notre histoire contemporaine. Au milieu de toutes ces affaires où s’épuisent les vivans, la mort frappe ses coups à l’improviste, sans prévenir, — comme si elle voulait se jouer de tous les calculs fondés sur la vie des hommes.

C’est le destin de M. Jules Ferry de disparaître au moment où il semblait remonter sur la scène, après des années pendant lesquelles il a subi toutes les contradictions et les polémiques injurieuses, l’oubli, le désaveu de ses électeurs, l’impopularité dans son propre parti. Il n’y a que quelques semaines, tout au plus, M. Jules Ferry semblait être encore la victime de cette disgrâce qui l’a si longtemps poursuivi. Il en avait peut-être lui-même le sentiment. Il évitait ou il paraissait éviter de se mêler aux luttes passionnées de la politique, aux compétitions de pouvoir ; il se dédommageait par le travail dans les commissions et par la dignité d’une vie silencieuse. Il ne se croyait point évidemment uni. Il attendait, — lorsqu’il se voyait tout à coup, sans avoir pu même le prévoir, élevé à la présidence du sénat. C’était presque la revanche soudaine, inespérée, d’une retraite forcée de près de dix années, et, comme il l’a dit lui-même avec un orgueil satisfait, la un d’une « longue épreuve, » d’une sorte « d’ostracisme » imposé à son impatiente activité. D’un seul coup il remontait à une des premières dignités de l’État, à un poste où il devait nécessairement avoir une autorité nouvelle dans les