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cents ans et plus avec cette persévérance qui est un des traits du caractère comtois, obtenue du pape et de l’empereur, retirée par le saint-siège, octroyée de nouveau en 1580, puis encore interdite par les successeurs de Sixte-Quint, qui fulminent des défenses contre les cours de théologie, de philosophie, ouverts chez les minimes, les jésuites et les oratoriens. La querelle des deux villes, animées l’une contre l’autre d’une haine séculaire qui prenait sa source et son aliment dans des intérêts très disparates, persista, vivace, violente, fertile en épisodes de tout genre, pour aboutir au triomphe des Dolois, triomphe bientôt inutile, car la décadence de l’université ne cessait de s’accentuer, malgré leur dévoûment patriotique, malgré le zèle des professeurs. Dépouillée de ses plus précieuses libertés, réduite à solliciter son pain comme une aumône, forcée de faire appel à la générosité de ses souverains, générosité devenue plus verbale que réelle, la guerre de dix ans et ses conséquences, le dépeuplement, la ruine de la province consommèrent sa disgrâce. En 1558, d’après une enquête faite sur la conduite de Louis de Saint-Mauris, ce professeur, fort négligent, n’avait que quatre à cinq élèves. Il n’y reste plus que le nom d’université, remarquait, en 1578, le conseil de ville. Profitant de la détresse financière de ses nouveaux maîtres, Besançon renouvela ses instances, offrait déverser 150,000 livres à la caisse des fortifications, et, au mois de mai 1691, recevait solennellement dans ses murs l’université. Dès lors, l’école franc-comtoise, réduite aux trois facultés de théologie, droit et médecine, cesse de s’appartenir et son histoire se confond avec celle des autres universités du royaume ; l’opinion se retire d’elle, elle s’affaisse dans l’abandon, l’esprit de routine, s’agite stérilement pour la défense de ses intérêts, de ses prétentions corporatives, absorbe son activité dans de petites questions d’étiquette ; ainsi elle se prononce contre l’introduction de l’histoire dans l’enseignement, contre le conseil de l’instruction publique rêvé par Turgot. Le recteur prétend avoir le droit de marcher immédiatement après le premier président, réclame un salut spécial de premier ordre lorsqu’il s’avance en tête du corps professoral[1]. Mais quelle était alors la ville où, selon la remarque de La Bruyère, « la querelle des rangs ne se réveillait pas à tous momens par l’offrande, l’encens et le pain bénit, par les processions et les obsèques ! » Les étudians ne se montrent pas moins empressés de défendre les moindres débris des anciennes

  1. A Besançon, une chaire de droit rapportait en moyenne 3,000 livres, une chaire de médecine, 2,400, une chaire de théologie, 1,600. Malgré tout, l’Université de Besançon faisait encore assez bonne figure, et Bullet, Jacques, pour la Faculté de théologie, — Dunod, Grappe, Courvoisier pour la Faculté de droit, — Lange, Athalin, Tourtelle, — beaucoup d’autres hommes très distingués témoignent en sa faveur.