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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/606

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tenus par l’orgue, dégénéraient assez vite en cris discordans ; mais les meilleurs esprits restaient encore divisés sur ce point. Ainsi, en 1634, tandis que Gisbert Voetius, dans le discours d’inauguration de la chaire qu’il occupait à Utrecht, combattait ce courant d’idées plus larges, le conseil de l’Église de Leyde leur prêtait, au contraire, l’appui de son autorité en approuvant l’usage de l’orgue pendant les offices, avant la prédication et pour accompagner le chant des Psaumes.

Huygens avait l’esprit trop ouvert et il était trop pénétré de l’influence salutaire que peut exercer la musique pour ne pas applaudir à cette innovation. Cependant, sa qualité de secrétaire du prince d’Orange l’empêchait d’intervenir publiquement dans le débat. C’est donc sans nom d’auteur qu’il fit paraître à Leyde, en 1641, un écrit sur l’Usage ou l’interdiction de l’orgue dans les églises des Provinces-Unies. Pour plaider une cause qui lui était chère, Constantin pouvait invoquer l’exemple de ce qu’il avait vu en Angleterre, à Londres notamment où matin et soir les fidèles chantaient accompagnés par l’orgue. Sans doute, il ne voulait pas que cette pratique autorisât les maîtres de chapelle à étaler leur virtuosité. Bannissant les fioritures et les vains ornemens qu’il jugeait à la fois contraires à la gravité de l’instrument et à la dignité du culte, il estimait que, dans ses manifestations les plus nobles, la musique peut être utilement associée aux prières des assistans et servir à leur édification, en contribuant à la beauté des cérémonies. Le ton élevé de cet écrit et la valeur des argumens donnés par Huygens étaient de nature à frapper des esprits non prévenus. Aussi, bien qu’il n’obtînt pas immédiatement le succès, son opinion cependant finit par triompher.

L’idée qu’il se faisait de la musique religieuse l’avait d’ailleurs préparé à un débat où il avait le droit d’intervenir, non pas seulement en amateur, mais en juge. Déjà avant 1627, il avait composé des chants pour un assez grand nombre de psaumes, mais il ne devait les publier que vingt ans après, sous le titre de Pathodia sacra et profana. Huygens s’y montre un sectateur fervent des doctrines nouvelles brillamment représentées par Monteverde et qui de l’Italie commençaient à se répandre en France. Dégagée des développemens du contre-point où elle était jusque-là noyée, la mélodie devait, suivant lui, se pénétrer profondément du caractère des paroles auxquelles elle s’adaptait, de manière à en rendre l’expression plus forte et plus saisissante, grâce aux ressources combinées de l’art musical. Dans son désir de conformer exactement l’inspiration au sens du texte, Huygens en vient même parfois à une interprétation un peu étroite qui, au lieu de viser librement