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Les résistances de Joséphine ne tardèrent pas à être vaincues, et, dès le 16 décembre, le sénat reçut un message annonçant la résolution que Napoléon et Joséphine avaient prise, d’un commun accord, pour la dissolution de leur union. Le motif unique de leur résolution était tiré de la nécessité, pour la sécurité et le bonheur de l’empire, que Napoléon eût des héritiers directs, qu’il ne pouvait plus attendre de son épouse actuelle. On doit remarquer le cruel devoir imposé au fils de Joséphine, au prince Eugène. Il était aussi fils adoptif de l’empereur, et celui-ci jugea à propos de le faire entrer au sénat et d’exiger qu’il y siégeât, pour la première fois, le jour où devait avoir lieu la délibération qui allait si douloureusement changer l’état de sa mère. Il dut même provoquer cette délibération, en ajoutant au consentement qu’elle avait donné le poids de son adhésion personnelle et de celle de sa sœur, la reine de Hollande dont il se porta garant.

Il fut aisé d’obtenir du sénat le sénatus-consulte qui devait prononcer la dissolution du mariage de Napoléon et de Joséphine. Mais tout n’était pas terminé ; le lien civil se trouvait bien rompu, le lien religieux demeurait dans toute sa force, et, pour les projets ultérieurs de Napoléon, il fallait absolument s’en délivrer. On fut informé, par le Moniteur du 14 janvier 1810, qu’après avoir entendu les témoins et après une instruction où toutes les formalités en usage avaient été observées, l’officialité diocésaine avait, par sentence du 9, déclaré la nullité, quant au lien spirituel, du mariage de sa majesté l’empereur Napoléon et de sa majesté l’impératrice Joséphine, et que cette sentence avait été confirmée le 12 par l’officialité métropolitaine. On a su plus tard qu’elle était motivée sur ce que le mariage, n’ayant pas été contracté devant témoins, ni devant le curé de la paroisse, était radicalement nul, d’après les dispositions du concile de Trente.

Le pape a prétendu qu’à lui seul appartenait de prononcer sur le mariage des souverains ; il avait pour lui, à la vérité, l’exemple très solennel et peu ancien, dans l’histoire de la monarchie française, de ce qui s’était pratiqué pour la dissolution du mariage contracté entre la reine Marguerite de Valois et Henri IV. Mais on n’a jamais pu produire aucun acte de l’Église qui ait établi, en principe, que les souverains ne sont pas soumis, pour le jugement de leurs actes religieux, aux mêmes tribunaux spirituels que leurs sujets. Si plusieurs d’entre eux ont, en de semblables occasions, trouvé bon d’avoir recours au souverain pontife, la politique et non la religion le leur a commandé, et il est impossible d’en rien induire contre la valeur du droit commun.

Jamais peut-être il n’y a eu d’occasion où les courtisans aient