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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/796

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jugeant des impressions d’autrui par les siennes, a dû supposer dans l’âme d’Alexandre un dépit qu’il aurait lui-même ressenti plus vivement que qui que ce fût ; cette conviction a, dès lors, exercé une grande influence sur sa politique.


III.

Parmi les États qui avaient à se plaindre des rigueurs du blocus continental, la Hollande avait souffert plus que les autres ; ses plaintes, son désir de s’affranchir d’une législation qui la ruinait, s’étaient traduits par des mouvemens populaires qui, chaque jour, devenaient plus difficiles à contenir. L’empereur, en décidant son voyage avec l’impératrice dans les provinces belges et hollandaises, avait le secret désir de se rendre compte par lui-même de l’état des esprits et de ce qu’il fallait faire pour maintenir des mesures auxquelles il ne voulait pas renoncer. Le 15 mai, il fit paraître une ordonnance, datée du château de Laeken, qui instituait une commission de huit membres choisis parmi les hommes les plus au fait de l’administration et des intérêts du pays. Cette commission, dont la présidence m’était confiée, devait se réunir à Paris. — « Elle était spécialement chargée de fournir les renseignemens, qui lui seraient demandés par les ministres, sur les mesures relatives à l’établissement des contributions foncières, au paiement de la dette des villes, à la formation de leurs budgets et revenus, au moyen de concilier les règles des douanes avec les besoins de la navigation et les intérêts du pays et à toutes les mesures tendant à éviter tout froissement d’autorité et d’intérêts dans le passage de l’administration ancienne à la nouvelle. Elle pouvait faire d’elle-même, sur lesdits objets, toutes les observations qu’elle jugerait convenables et devait rester en fonction jusqu’à ce que l’organisation définitive, pour l’année 1811, eût été arrêtée et publiée. » — Tant de ménagemens étaient fort inaccoutumés, et l’article surtout qui concernait les douanes n’avait pu être inséré que dans l’intention de calmer des inquiétudes dont la vivacité méritait d’être prise en considération.

Les membres avaient été bien choisis, ne manquaient point de lumières et jouissaient dans leur pays d’une véritable considération. Je mis tous mes soins à faciliter leurs recherches, à leur donner les renseignemens dont ils ne pouvaient se passer, et j’eus bientôt lieu de reconnaître combien l’esprit de cette nation hollandaise, si laborieuse, si sérieusement appliquée, est éminemment propre aux affaires. Avec ces hommes intelligens et sincères, point