Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/905

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne paraît pas devoir lui être de longtemps refusé. Le conflit constitutionnel, tant qu’il demeurera parlementaire, tant qu’il sera ouvert entre les peuples et leurs représentans, d’une part les gouvernemens et l’empire de l’autre, se résoudra, en conséquence, par la défaite du Reichstag, qui est, de toutes façons, condamné à perdre de son autorité, soit de lui-même, parce que les partis s’y désagrègent, soit par la résistance de l’empereur, si l’opposition y devenait trop gênante.

Mais le conflit restera-t-il purement parlementaire ? Et l’opposition n’est-elle pas régionale autant que politique ? Ne peut-on pas la localiser, en dresser la carte par provinces ? Est-ce comme Bavarois ou comme catholiques que les députés du centre ont en majorité repoussé la loi militaire ? On a noté que c’est dans la Prusse royale que le projet a eu le plus de voix, et que le nombre des voix diminue à mesure qu’on va vers l’ouest ou le sud-ouest. Au cours de la campagne électorale, M. Lieber s’écrie déjà : «Il ne s’agit pas du militarisme et de ses constans progrès. Il s’agit de savoir si l’idée prussienne ou l’idée nationale allemande l’emportera dans l’empire» et il ose ajouter : « C’est une lutte entre le particularisme prussien et le nationalisme germanique. » Remarquez que les termes sont renversés et que c’est, à présent, la Prusse qui est accusée de particularisme en Allemagne. Nous ne croyons pas, quant à nous, que les choses en soient là, mais le jour où elles en seront à ce point, si jamais elles y viennent, le conflit changera de terrain et de nature. Et ce ne serait plus un conflit, une crise, ce serait la crise.

L’empire allemand est, comme monarchie constitutionnelle, d’une espèce à part. Lors des derniers incidens d’Allemagne, on a été, chez nous, frappé de ce fait que l’échange d’explications entre le chancelier et les groupes parlementaires, que toute la discussion affectait les allures d’une négociation diplomatique. C’est que l’empire allemand n’est pas un État ordinaire. C’est un « État fédératif » (Bundesstaat), un système, un règne d’États (Staatenreich). Il est sorti d’une « confédération d’États », Staatenbynd, de la confédération de l’Allemagne du Nord, sortie elle-même, non sans des vicissitudes diverses, de la confédération germanique de 1815.

La confédération de 1815 avait été fondée neuf ans après l’abdication du dernier empereur germanique de la maison de Habsbourg, après l’abdication de François II, en 1806, « pour rendre un corps aux nations germaniques et satisfaire leurs aspirations. » L’objet de la confédération était, suivant l’acte fédéral, de a maintenir la sûreté extérieure et intérieure de l’Allemagne, l’indépendance et l’inviolabilité des États confédérés. » Elle était investie,