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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra-Comique : Phryné, opéra-comique en 2 actes ; paroles de M. Augé de Lassus, musique de M. C. Saint-Saëns.

Phryné, au cours de sa brillante carrière, eut deux succès mémorables entre tous : l’un, d’ordre judiciaire ; l’autre, d’ordre religieux. Le premier lui fut ménagé par son avocat, on sait comment, et je ne crois pas que les Causes célèbres relatent un autre exemple ni de cet effet d’audience, ni de cet audacieux emploi de l’argument ad… homines. Et voici le second triomphe de la belle hétaïre, tel qu’elle le rapporte elle-même devant son amant Nicias et son esclave Lampito, dans l’opéra-comique de MM. Auge de Lassus et Camille Saint-Saëns. C’est à Vénus, sa patronne et sa déesse, que s’adresse la courtisane :


Un soir, j’errais sur le rivage,
Rêvant de vivre en ton doux esclavage,
Près d’un temple où tu fais séjour,
Ô Reine de beauté ! Je te sentais présente,
Si doux était l’adieu de l’heure finissante.
Si pur était le ciel aux feux mourans du jour.
Bientôt, tranquille et dédaigneuse,
Folâtrait la baigneuse.
Mes longs cheveux flottaient, des zéphirs caressés ;
Les alcyons passaient, alanguis et lassés.
Tout à coup retentit ton grand nom : Aphrodite !
Ainsi me saluaient, étonnée, interdite,
Les pêcheurs abusés dont les dieux s’égayaient.
Excuse leur démence !
Ils m’avaient aperçue et c’est toi qu’ils voyaient,
Comme en ce premier jour où dans ta gloire immense,
Ton beau corps ruisselant des pleurs du flot amer.
Tu t’élevais superbe au-dessus de la mer !