Le crépuscule tombe, la mer pâlit.
Goussef se soulève un peu sur sa couchette et dit à son voisin :
— Pavel Ivanovitch, m’entends-tu ? Une fois, à Sakhaline, un soldat m’a conté que leur navire avait heurté un poisson si gros, que la cale en fut brisée.
L’homme auquel il adresse la parole n’est pas soldat comme Goussef. Personne à l’infirmerie du navire ne le connaît. Il ne répond pas et fait semblant de n’avoir point entendu.
Un grand silence règne à l’infirmerie. Il est vrai que le vent remue dans la mâture et secoue les hunes, que les vagues battent contre les flancs du bateau, que les cadres grincent, mais l’oreille est depuis longtemps habituée à ce tapage… Goussef s’ennuie. Il guette les bruits du vent et remarque que le navire commence à être secoué très fort. Son lit se relève avec lenteur, puis s’abaisse, on dirait une poitrine qui respire profondément…
— Le vent a rompu sa chaîne, murmure Goussef.
Cette fois, Pavel Ivanovitch se met à tousser, puis réplique d’un ton irrité :
— Est-ce bête ce que tu chantes là, avec tes poissons géans et tes vents enchaînés ! Le vent n’est pas un animal qu’on puisse mettre à la chaîne, imbécile !
— Les chrétiens disent ça.
— Ceux qui le disent sont des ignorans comme toi. Si tu as une