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aujourd’hui aux États-Unis presque impossible l’exploitation des grands ranchs. Les plus mauvaises terres valent au moins 1 dollar et demi l’acre (13 francs l’hectare) ; aussi de plus en plus l’élevage du bétail dans des fermes sous clôtures, qui produit d’ailleurs de bien meilleurs animaux, remplace l’ancien élevage en liberté. Plusieurs grands ranchmen américains ont franchi la frontière. Là la terre n’a pas encore de prix. Le gouvernement mexicain vend l’hectare 30 centavos (sous), qui équivalent en fait à 0 fr. 90 et souvent à plus bas prix encore. Comme le centre du Mexique d’une part et les États-Unis du Nord fournissent des débouchés assurés, il peut y avoir encore de belles entreprises de ce genre à tenter, pourvu qu’on les aborde avec des capitaux suffisans pour pouvoir supporter les chances de dépérissement et de mortalité du bétail dans les années de grande sécheresse.

Une fois le tropique franchi, la table centrale s’élève et se resserre. L’on entre dans le cœur du Mexique et la population indienne devient compacte. En effet, les pluies sont abondantes dans la saison d’été, sauf certaines irrégularités très dangereuses pour les récoltes. Les cultures de blé, de maïs, d’orge, l’élevage de la volaille et des porcs par les Indiens dans leurs huttes, les troupeaux de bœufs et de moutons conduits par des bergers en font une région agricole qui rappellerait l’Europe méridionale, si le maguey, sorte d’agave, dont la sève, recueillie au moyen d’incisions, fournit le vino de pulque et, une fois distillée, l’eau-de-vie de mezcal, ne donnait un aspect unique aux paysages. Ce sont les tierras frias. Ce colossal escarpement, qui supporte lui-même des pics gigantesques comme le Popocatepetl, le Malinche, la montagne d’Orizaba, volcans aux neiges éternelles, s’abaisse à droite et à gauche par des escarpemens rapides vers l’Atlantique et le Pacifique. Ces pentes, où de petits cours d’eau torrentueux et des lacs sont assez nombreux, constituent la région idéale des tierras templadus. Les fruits du tropique s’y marient à ceux de l’Europe. Un printemps perpétuel y règne et il n’exclut pas une parfaite salubrité ; une trop grande douceur de vivre empêche seule les hommes d’être industrieux. Les terres sont déjà trop chaudes pour la vigne ; mais le tabac y donne de grands profits, le mûrier pousse et le ver à soie s’élève à merveille. Le gouvernement mexicain comprend quelle source de richesses ce peut devenir. Des subventions ont été accordées aux élevages de vers à soie et un atelier de tissage a été fondé par un Lyonnais à Guadalajara. C’est ainsi qu’il y a vingt ans ont commencé les fabriques du New-Jersey et des environs de Moscou qui font aujourd’hui une si redoutable concurrence à notre industrie lyonnaise.