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produit de l’octroi, qui leur permet de faire face aux engagemens qu’elles ont contractés, on peut se demander jusqu’à quel point les taxes directes, par lesquelles on remplacerait cet impôt de consommation locale, en fourniraient l’équivalence.

La réforme partielle, à laquelle le gouvernement et le sénat s’étaient arrêtés, aurait eu déjà sur les finances communales un contre-coup assez sensible, et les eût obligés à chercher, dans de nouvelles contributions, l’équilibre de leur budget. C’est ainsi qu’à Paris la loi nouvelle réduisait de 35 millions environ le produit des taxes sur les boissons hygiéniques (vins, cidres et bières).

Quant à l’État, c’est par un supplément au droit sur l’alcool, porté de 156 à 190 francs l’hectolitre, qu’il entendait boucher, dans ses recettes indirectes, le trou que la détaxe des autres boissons allait créer. Mais, au dernier moment, la chambre a repoussé le projet voté par le sénat, et lui a substitué l’abolition complète des droits perçus sur les boissons hygiéniques ; système d’autant moins praticable en ce moment que la majorité des députés refusaient au gouvernement les ressources nécessaires pour accomplir un semblable dégrèvement. Dès lors la réforme, depuis longtemps promise, sur laquelle le pays était en droit de compter, est tombée dans l’eau, et ne sera vraisemblablement pas incorporée au budget de l’année prochaine. En tout cas, il eût été prudent de n’admettre dans ce budget aucune dépense nouvelle, et même de faire la part du déficit que les résultats de l’exercice en cours, relativement à des prévisions trop optimistes, paraissent nous ménager.

Ce n’est pas là cependant ce qu’on a fait, et l’on doit présumer que le budget de 1894, comme celui de 1893, se soldera en perte. Les défenseurs du budget actuel, et, en première ligne, le ministre des finances un moment démissionnaire, M. Peytral, et le rapporteur-général, qui, par définition, sont des « médecins tant mieux, » font valoir l’unification budgétaire obtenue par la dernière législature. Il est vrai que l’on a fait à peu près disparaître les petits budgets d’à côté, reposant sur ce que M. Henri Germain, dans un discours demeuré célèbre, appelait « le coup des caisses. » Quand on voulait faire une dépense nouvelle, dont on n’avait pas le premier centime, on créait une caisse, — caisse des écoles, des chemins vicinaux, des grands travaux publics ou de liquidation. — Dans cette caisse, on ne mettait rien, puisqu’on n’avait rien ; mais on lui empruntait 300, 400 millions ou davantage. Dès lors, puisqu’elle avait un débiteur solvable, qui n’était autre que l’État, cette caisse devenait riche ; et nous avions ainsi trois ou quatre comptes, toujours en découvert, que l’on réglait de temps à autre au moyen de l’emprunt.

Ces agissemens ont pris fin, mais pas autant qu’on veut bien le dire ; témoin les 80 millions de garanties d’intérêts qui restent cette