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Or, il suffit de sortir des rues de Rome pour se rendre compte que cette place constitue, dès aujourd’hui, un camp retranché. Le plan avait été conçu dès les premières années de l’entrée des Italiens à Rome. Mais les travaux n’ont commencé qu’en 1877.

Ces travaux sont de deux sortes : un mur d’enceinte à l’ouest, et une ceinture complète de forts et de batteries avancés, distans, en moyenne, de 4 à 6 kilomètres de la place Colonna. La simple inspection d’une carte explique ce système de défense. Rome se trouve, en effet, plus exposée du côté de la mer, non-seulement parce qu’un débarquement pourrait jeter une armée sur cette rive du Tibre, mais aussi en raison de la nature du sol, qui est tourmenté, boisé, difficile à battre sur une grande étendue. Les six forts placés là, sur la rive droite du Tibre (Trionfale, Casal Braschi, Boccea, Aurelia antica Bravetta, Portuense), sont donc soutenus, en arrière, par un retranchement encore inachevé, qui commence au nord, près du Monte-Mario, enveloppe, à petite distance, le Vatican et le Transtévère, et doit rejoindre le Tibre à sa sortie de la ville. On peut avoir une idée de cet ouvrage en allant se promener sur le Monte-Mario. J’ai admiré, pour ma part, la profondeur du fossé et la belle pierre travertine dont les deux parois sont faites.

Sur la rive gauche, au contraire, le sol découvert et plus égal laisse toute leur action aux feux croisés de l’artillerie. Les Italiens, c’est-à-dire le génie, aidé, le plus souvent, par des équipes de forçats, y ont élevé huit forts, à deux kilomètres environ l’un de l’autre, et trois batteries supplémentaires, l’une au nord-est, sur la voie Nomentane, deux au sud-est, battant la via Appia et la via Tuscolana. Tout cela, parait-il, est du dernier bon goût militaire : casemates partout, de quoi abriter deux bataillons sur chaque point, télégraphe, téléphone, puits, dépôts de vivres. Quand les chemins de communication auront tous été construits, — ce qui ne tardera pas sans doute, — Rome aura un système de fortifications complet et redoutable.

Ce sont donc ces promenades aux quartiers nouveaux, puis dans les faubourgs, puis hors les murs, à la suite des charretiers romains, qui m’ont conduit à aimer de plus en plus la campagne romaine, à étudier la question de l’Agro, et à me passionner pour elle.

Car il existe une question de l’Agro, une des plus anciennes à la fois et des plus actuelles qui puissent préoccuper un Romain et intéresser un étranger.

Je dois dire d’abord ce que c’est que l’Agro romano. Je ne le savais pas bien, et peut-être quelques personnes sont-elles encore mal renseignées, comme je l’étais moi-même, sur ce point de géographie. Dans l’acception la moins large et la plus exacte du