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de l’Ile-de-France était de 360 francs, celle de la Normandie de 290 francs, celle de la Champagne de 263 francs, celle du Languedoc de 198 francs, tandis que celle de la Saintonge n’était que de 133 francs, celle de la Flandre de 90 francs, et que celles de la Franche-Comté, de l’Alsace et du Berry oscillaient de 40 à 50 francs. Ce prix moyen de 261 francs l’hectare, dans le dernier quart du XIIIe siècle, est le plus haut qui ait été atteint durant tout le moyen âge. Il ne devait être dépassé que dans les dernières années du XVIe siècle, à l’époque du renchérissement extrême des denrées.

Non-seulement la terre semble avoir été plus chère, pendant cette courte période, que pendant les trois cents ans qui la suivirent, sauf le règne d’Henri III et le commencement de celui d’Henri IV (1576-1600) ; mais elle l’a été presque autant que dans le premier quart du XVIIe siècle (1601-1625) et dans le premier quart du XVIIIe (1701-1725). C’est un fait singulier, mais positif : la terre valut à peu près le même prix sous Philippe le Bel que sous Louis XIII, où elle était à 277 francs l’hectare ; le même prix qu’à la fin du règne de Louis XIV et sous la régence du duc d’Orléans, où elle était retombée, après une hausse de soixante-quinze ans, à 265 francs l’hectare.

Mais à quoi s’applique la moyenne de 261 francs l’hectare sous Philippe le Bel ? À une très petite quantité de terres évidemment, les seules qui soient alors en culture, les seules surtout qui soient dans le commerce. La première moitié du XIIIe siècle fut certainement une ère de progrès ; il est vraisemblable que le défrichement et le peuplement allèrent de pair ; peut-être même cultiva t-on plus qu’on ne peupla. On en a quelque preuve en comparant le prix des terres avec le prix du blé. Ce dernier tend à baisser jusqu’en 1240 : il est de 4 fr. 25 entre 1201 et 1210, et descend progressivement à 3 francs entre 1231 et 1240. Comme le prix des grains dépendait aussi des bonnes et mauvaises récoltes, il serait puéril de tirer de ces chiffres une conclusion absolue sur le plus ou moins d’intensité de la culture. Mais chacun sait que la baisse des céréales est parfaitement compatible avec l’extension de la population, dans un pays neuf et principalement agricole, parce que chaque nouveau laboureur produisant beaucoup plus de grains qu’il n’en consomme, le défrichement a pour conséquence une dépréciation des prix. Nous en avons un exemple aujourd’hui dans la République Argentine, où les denrées locales sont devenues moins chères à mesure que les habitans se sont multipliés.

Le tout n’a dû se passer, au XIIIe siècle, que sur une petite échelle, puisque le colon libre était, comme la terre libre, une exception, que toute terre faisait partie d’une seigneurie et que